La récente une du Magazine Capital sur les Corses « privilégiés de la République », outre son aspect pour le moins douteux voire discriminatoire, repose la question sur les niches fiscales spécifiques à l'île et sur leur intérêt.
Pour y répondre, le magazine fait appel au rapport de l'IGF sur les niches fiscales datant de 2011. Ce rapport est d'ailleurs ressorti systématiquement lorsque l'on parle des niches. C'est la référence. Le problème est que cette étude ne vaut rien en ce qui concerne les niches corses.
L'analyse est sommaire, l'argumentation inexistante et les données quasi-absentes. D'ailleurs la rédaction du rapport suffit à le disqualifier. En effet, on peut y lire deux passages dont la résonance dans l'absurde est frappante. On affirme dans un premier temps « Sur les treize niches fiscales constitutives de mesures sectorielles de soutien à la Corse qui ont été étudiées par le CGEFI, aucune n'a pu faire l'objet d'étude économétrique, faute de suivi et de données existantes exploitables ». Mais il est ensuite précisé « Par ailleurs, ces mesures ont toutes été considérées comme inefficaces par l'évaluateur, essentiellement parce qu'elles ne sont pas susceptibles d'exercer des effets perceptibles sur le développement économique de la Corse, tant sur le plan de l'investissement que sur celui de la création d'emploi ». Ce qui équivaut à dire « on n'en sait rien, on pas trop réfléchi et on a que des idées vagues de ce qui ce passe mais dans le doute on va dire que ça sert à rien ». Bel exemple de rigueur et d'honnêteté intellectuelle.
La réalité est un peu plus complexe. La plupart des dispositifs de soutien envers l'économie corse sont des mesures « défensives ». Par exemple, les réfactions de TVA n'ont effectivement plus d'impact sur la consommation car elles sont fixes d'une année sur l'autre. Il n'y a donc pas d'effet de stimulation supplémentaire sur les dépenses des ménages via des baisses de prix à la consommation. En revanche, si elles étaient supprimées, les prix remonteraient et la perte de pouvoir d'achat se traduirait par une baisse de la consommation en volume et un PIB réduit d'autant. Le passage d'une TVA à 2,1 % (taux spécifique à la Corse sur la plupart des produits alimentaires) à 5,5 % entraînerait un choc inflationniste de +3,3 % sur les produits concernés. Le choc serait supérieur pour l'immobilier ou l'hôtellerie/restauration. Comment en attendre autre chose qu'un impact négatif.
Le crédit d'impôt pour investissement et la mesure FIP Corse sont les seuls dispositifs conditionnant l'avantage fiscal à une action de « stimulation », alliant déduction des impôts avec l'obligation de participer à la création de richesse dans l'économie corse sous forme d'investissement ou d'accompagnement du développement des entreprises.
On pourrait mesurer et discuter de l'impact de la suppression de telle mesure défensive ou de l'importance de la stimulation des autres. C'est tout à fait possible car les données existent (ben oui). Mais ces réflexions sont totalement absentes du rapport de l'IGF.
Plus globalement, le débat autour des dispositifs fiscaux dont bénéficie la Corse touche au cœur même de notre modèle économique. C'est pour cela que nous devons le mener en Corse et non se laisser imposer le menu et surtout la note.
Selon les données de Bercy (loi de finances), le coût des mesures budgétaires spécifiques à la Corse est de 325 millions en 2013. Les niches les plus importantes (coût supérieur à 5 M€) sont en 2013 :
- Réfaction de TVA : 235 M€ ;
- Crédit d’impôts pour l’investissement : 48 M€ ;
- Arrêtés Miot : 15 M€ (dispositif transitoire, fin 2016 il n’y aura plus rien) ;
-FIP Corse : 11 M€ ;
- Exonération TVA sur les transport maritime et aérien Corse-Continent : 8 M€ ;
- Réduction des bases de la CFE : 6 M€.
Le coût global est stable depuis 2010 les réductions liées à la fin de la zone franche, la sortie progressive des arrêtés Miot et la réforme de la TP étant compensées par une hausse des coût des réfactions de TVA (augmentation de l'écart de taux de TVA Corse/Continent pour l'immobilier et l'hôtellerie/restauration). Notez que si la TVA n'avait pas été modifiée au niveau national, le coût des niches corses aurait en fait diminué. Doit-on blâmer les Corses pour la politique gouvernementale ? Faut-il passer sous silence le fait que la pression fiscale augmente en Corse plus vite que sur le Continent depuis 10 ans (en tout cas pour les grands impôts – IR, IS et TVA) ?
Attention, le PEI (20 M€ en 2013) et la continuité territoriale (enveloppe gelée depuis 2009, à 187 M€ par an) ne sont pas des mesures fiscales. Ils n’ont pas à être inclus dans les niches mais par honnêteté elles sont précisées. Mais là encore, comptabilise-t-on tout l'argent dépensé dans les infrastructures de transport en région parisienne ou ailleurs comme des cadeaux fiscaux fait à telle ou telle région ?
Mais bon, au final, il est vrai que cela fait beaucoup d'argent. Il est donc légitime de se demander si c'est bien utilisé et surtout si la logique derrière le dispositif va dans le bon sens pour la Corse.
Prenons le cas de la continuité territoriale. Celle-ci revient à subventionner des importations, ce qui rend compétitif sur le marché corse des produits agricoles du Continent ou d'Espagne ou des biens de consommation non durables (eaux, produits d'hygiène…). Il est rare qu'une économie subventionne ainsi ses concurrents. Ce système est unique pour les grandes îles méditerranéennes. La Corse a fait ce choix politico-strategique favorisant la consommation au détriment de la production. De cela, notamment de savoir si l'effet positif sur le pouvoir d'achat dépasse l'effet négatif sur l'emploi, il serait sain de discuter.
Idem pour la promotion immobilière. La réfaction de TVA vise à favoriser l'accès au logement mais a-t-elle eu une quelconque utilité au vu le niveau de prix et l'évolution sur les dernières années? Ne constitue-t-elle pas une subvention déguisée en faveur des résidences secondaires ?
Cette analyse coût/bénéfice mais aussi de l'impact en cas de suppression ou diminution serait utile pour chaque niche. Ne serait-ce que pour voir si certaines ne peuvent pas être revue pour dégager de nouvelles ressources pour alimenter d'autres choix politiques (un plan R&D par exemple) ? Ou tout simplement pour savoir si certaines ne devraient pas être amplifiées au détriment d'autres ?
Ces réflexions sont cruciales pour nous en Corse. Car à trop penser comme immuable le monde ou la fiscalité qui nous entoure nous risquons de voir débarquer des inspecteurs de finances, préfets et ingénieurs des mines très intelligents mais dont les sentences sont définitives et sans appel. Et il n'y a pas plus dur à contredire en France que les arguments d'autorité, surtout quand ils sont estampillés IGF et surtout quand ils présentent les Corses comme de gros et gras privilégiés.
Pour y répondre, le magazine fait appel au rapport de l'IGF sur les niches fiscales datant de 2011. Ce rapport est d'ailleurs ressorti systématiquement lorsque l'on parle des niches. C'est la référence. Le problème est que cette étude ne vaut rien en ce qui concerne les niches corses.
L'analyse est sommaire, l'argumentation inexistante et les données quasi-absentes. D'ailleurs la rédaction du rapport suffit à le disqualifier. En effet, on peut y lire deux passages dont la résonance dans l'absurde est frappante. On affirme dans un premier temps « Sur les treize niches fiscales constitutives de mesures sectorielles de soutien à la Corse qui ont été étudiées par le CGEFI, aucune n'a pu faire l'objet d'étude économétrique, faute de suivi et de données existantes exploitables ». Mais il est ensuite précisé « Par ailleurs, ces mesures ont toutes été considérées comme inefficaces par l'évaluateur, essentiellement parce qu'elles ne sont pas susceptibles d'exercer des effets perceptibles sur le développement économique de la Corse, tant sur le plan de l'investissement que sur celui de la création d'emploi ». Ce qui équivaut à dire « on n'en sait rien, on pas trop réfléchi et on a que des idées vagues de ce qui ce passe mais dans le doute on va dire que ça sert à rien ». Bel exemple de rigueur et d'honnêteté intellectuelle.
La réalité est un peu plus complexe. La plupart des dispositifs de soutien envers l'économie corse sont des mesures « défensives ». Par exemple, les réfactions de TVA n'ont effectivement plus d'impact sur la consommation car elles sont fixes d'une année sur l'autre. Il n'y a donc pas d'effet de stimulation supplémentaire sur les dépenses des ménages via des baisses de prix à la consommation. En revanche, si elles étaient supprimées, les prix remonteraient et la perte de pouvoir d'achat se traduirait par une baisse de la consommation en volume et un PIB réduit d'autant. Le passage d'une TVA à 2,1 % (taux spécifique à la Corse sur la plupart des produits alimentaires) à 5,5 % entraînerait un choc inflationniste de +3,3 % sur les produits concernés. Le choc serait supérieur pour l'immobilier ou l'hôtellerie/restauration. Comment en attendre autre chose qu'un impact négatif.
Le crédit d'impôt pour investissement et la mesure FIP Corse sont les seuls dispositifs conditionnant l'avantage fiscal à une action de « stimulation », alliant déduction des impôts avec l'obligation de participer à la création de richesse dans l'économie corse sous forme d'investissement ou d'accompagnement du développement des entreprises.
On pourrait mesurer et discuter de l'impact de la suppression de telle mesure défensive ou de l'importance de la stimulation des autres. C'est tout à fait possible car les données existent (ben oui). Mais ces réflexions sont totalement absentes du rapport de l'IGF.
Plus globalement, le débat autour des dispositifs fiscaux dont bénéficie la Corse touche au cœur même de notre modèle économique. C'est pour cela que nous devons le mener en Corse et non se laisser imposer le menu et surtout la note.
Selon les données de Bercy (loi de finances), le coût des mesures budgétaires spécifiques à la Corse est de 325 millions en 2013. Les niches les plus importantes (coût supérieur à 5 M€) sont en 2013 :
- Réfaction de TVA : 235 M€ ;
- Crédit d’impôts pour l’investissement : 48 M€ ;
- Arrêtés Miot : 15 M€ (dispositif transitoire, fin 2016 il n’y aura plus rien) ;
-FIP Corse : 11 M€ ;
- Exonération TVA sur les transport maritime et aérien Corse-Continent : 8 M€ ;
- Réduction des bases de la CFE : 6 M€.
Le coût global est stable depuis 2010 les réductions liées à la fin de la zone franche, la sortie progressive des arrêtés Miot et la réforme de la TP étant compensées par une hausse des coût des réfactions de TVA (augmentation de l'écart de taux de TVA Corse/Continent pour l'immobilier et l'hôtellerie/restauration). Notez que si la TVA n'avait pas été modifiée au niveau national, le coût des niches corses aurait en fait diminué. Doit-on blâmer les Corses pour la politique gouvernementale ? Faut-il passer sous silence le fait que la pression fiscale augmente en Corse plus vite que sur le Continent depuis 10 ans (en tout cas pour les grands impôts – IR, IS et TVA) ?
Attention, le PEI (20 M€ en 2013) et la continuité territoriale (enveloppe gelée depuis 2009, à 187 M€ par an) ne sont pas des mesures fiscales. Ils n’ont pas à être inclus dans les niches mais par honnêteté elles sont précisées. Mais là encore, comptabilise-t-on tout l'argent dépensé dans les infrastructures de transport en région parisienne ou ailleurs comme des cadeaux fiscaux fait à telle ou telle région ?
Mais bon, au final, il est vrai que cela fait beaucoup d'argent. Il est donc légitime de se demander si c'est bien utilisé et surtout si la logique derrière le dispositif va dans le bon sens pour la Corse.
Prenons le cas de la continuité territoriale. Celle-ci revient à subventionner des importations, ce qui rend compétitif sur le marché corse des produits agricoles du Continent ou d'Espagne ou des biens de consommation non durables (eaux, produits d'hygiène…). Il est rare qu'une économie subventionne ainsi ses concurrents. Ce système est unique pour les grandes îles méditerranéennes. La Corse a fait ce choix politico-strategique favorisant la consommation au détriment de la production. De cela, notamment de savoir si l'effet positif sur le pouvoir d'achat dépasse l'effet négatif sur l'emploi, il serait sain de discuter.
Idem pour la promotion immobilière. La réfaction de TVA vise à favoriser l'accès au logement mais a-t-elle eu une quelconque utilité au vu le niveau de prix et l'évolution sur les dernières années? Ne constitue-t-elle pas une subvention déguisée en faveur des résidences secondaires ?
Cette analyse coût/bénéfice mais aussi de l'impact en cas de suppression ou diminution serait utile pour chaque niche. Ne serait-ce que pour voir si certaines ne peuvent pas être revue pour dégager de nouvelles ressources pour alimenter d'autres choix politiques (un plan R&D par exemple) ? Ou tout simplement pour savoir si certaines ne devraient pas être amplifiées au détriment d'autres ?
Ces réflexions sont cruciales pour nous en Corse. Car à trop penser comme immuable le monde ou la fiscalité qui nous entoure nous risquons de voir débarquer des inspecteurs de finances, préfets et ingénieurs des mines très intelligents mais dont les sentences sont définitives et sans appel. Et il n'y a pas plus dur à contredire en France que les arguments d'autorité, surtout quand ils sont estampillés IGF et surtout quand ils présentent les Corses comme de gros et gras privilégiés.