par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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Lente agonie de l'agriculture corse




Remarque préliminaire : les données qui suivent concernent le secteur agricole hors pêche et sylviculture. On ne peut donc comparer les chiffres issus de la comptabilité régionale de l’Insee avec ceux issus des comptes agricoles d’Agreste.

Depuis 1990, le secteur agricole corse connaît une lente dégradation. Les derniers chiffres des comptes régionaux agricoles de l’Agreste pour 2007 viennent confirmer le constat d’un secteur plongé dans une longue récession. En voici les principaux éléments :

- en termes d’emploi, le secteur a perdu entre 1990 et 2007 1 743 emplois (salarié et non-salarié), soit une baisse de 27 %. L’emploi dans le secteur était de 6 431 unités de travail annuel totales (soit en poste « équivalent temps plein ») en 1990 et ne représente plus que 4 688 emplois 17 ans plus tard. Il s’agit du seul secteur de l’économie corse qui ait détruit de l’emploi sur cette période. Concernant les exploitations, leur nombre passe de 4 864 à 3 179 (-35 %) ;
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- en 2007, concernant la production agricole hors subvention (181 M€ en incluant les activités de services), 65 % était liée à la production de végétaux brut et assimilés (118 millions d’euros) et 31 % à celles des activités animales (viande et lait – 57 M€). Si l’on regarde comment cela a évolué en volume depuis 1990, c’est-à-dire sans tenir compte de l’évolution des prix, la production totale recule de 14 %, principalement à cause de l’effondrement de la production végétale (-19 %), l’activité animale ne perdant « que » 5 % ;
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- cela se traduit par un recul de la valeur ajoutée produite par le secteur, toujours en volume, de 22 %. Là encore, l’agriculture est le seul secteur à voir sa valeur ajoutée en volume se contracter entre 1990 et 2007. Même en considérant la variation non corrigée de l’évolution des prix, la valeur ajoutée passe de 108 à 91 millions d’euro. inutile de dire que là encore, l’agriculture détient le privilège de connaître une baisse de la valeur ajoutée produite.

Concernant les bénéfices net des exploitations agricoles corses (revenus net d’entreprise), le montant dégagé en 2007 était de 22 M€. Il s’agit du plus mauvais résultat enregistré depuis 1990. Entre 2006 et 2007, le bénéfice brut a perdu 56 %, ce qui constitue un recul record. Ceci malgré un niveau élevé de subventions (exploitation et production), avec 31 M€ en 2007. Les salaires versés (38 M€ avec les cotisations) et les impôts (11 M€) n’ont pas connu d’évolutions significatives sur les dernières années.

Par conséquent, le recul des bénéfices est largement imputable au recul de la valeur ajoutée hors subvention. Il semble que sur ce point 2007 soit une année particulièrement calamiteuse. Toutefois, cela ne change pas le fait que depuis 1990, la production agricole, la valeur ajoutée et les bénéfices n’ont cessé de se dégrader. Ainsi, le bénéfice net pour 2006 (une bonne année du point de vue de la valeur ajoutée produite) a été de 50 M€ soit à peine 2 M€ de mieux qu’en 1990.

Pour calculer un indicateur de revenu individuel des exploitants corses, il convient de diviser le revenu d'entreprise agricole par le volume d'emploi non salarié (en équivalent temps plein) correspondant. En effet, la rémunération des salariés a déjà été déduite dans le calcul du revenu. On obtient ainsi le revenu net d'entreprise agricole par actif non salarié.

Le revenu net par emploi non salarié en Corse est passé de 10 620 euro par an en 1990 à seulement 7 720 en 2007. Ceci représente un plus bas sur l’ensemble de la période. Le plus haut a été atteint en 2006, mais avec une maigre 17 250 euro sur l’année. Tout de même, entre 2007 et 2006, la baisse est spectaculaire, avec -53 %. On observe une importante volatilité des revenus par tête, conséquence de celle de la production. Toutefois, 2007 est à tout point de vue hors norme.

Pour les salariés agricoles corses, les revenus évoluent avec moins de volatilité pour les exploitants. En 2007, le salaire par tête représente 16 130 euros. Depuis 1990, la hausse a été de 41 %. Pour comparer avec les salariés dans le secteur privé non agricole (données non disponibles avant 1997), le revenu moyen par emploi en Corse a progressé de 15 % pour l’agriculture de 28 % et pour le privé non-agricole. La différence est au-delà du massif !

Si l’on essaye de calculer l’évolution du pouvoir d’achat des exploitants et salariés agricoles corses, il faut défalquer l’évolution des revenus des uns et des autres par celle des prix à la consommation (pas de données sur la Corse, je prends les données nationales). Ces derniers ont progressé de 39 % entre 1990 et 2007.

Donc, en moyenne sur les 17 dernières années, salaire moyen corrigé de l’inflation des salariés agricoles a progressé à peine plus vite que l’inflation (+41 % contre +39 %). Le pouvoir d’achat a donc stagné sur la période. Pour les revenus des exploitants, en 2006 (point haut des revenus sur les 17 ans) la progression a été de 62 % par rapport à 1990. On a donc une hausse du pouvoir d’achat (gain de 23 %, soit 1,6 % par an, ce qui n’est pas Byzance). Mais, du fait de la volatilité des revenus, la mesure perd de sa pertinence, car 2007 a tout remis en cause. Juste pour cette année, la perte de revenus s’est traduite par un recul de 56 % du pouvoir d’achat. Le choc a été violent.

Pour conclure, l’agriculture corse décline depuis le début des années 90 : recul de l’emploi, du nombre d’exploitation, de la production en volume, de la valeur ajoutée en volume et en valeur. De plus, les bénéfices stagnent hors 2007, voire s’effondrent en 2007. Enfin, le pouvoir d’achat des salariés agricoles stagne et les exploitants gagnent peu (hors 2007), tandis qu’en 2007 leurs revenus s’évaporent.

A mon sens, cela justifie le titre de cet article : il s’agit bien d’une lente agonie avec, en prime, un écroulement en 2007.

Mercredi 19 Novembre 2008
Guillaume Guidoni