Achat d’avions par la CCM, la garantie de la CTC sollicitée





Un projet de garantie pour permettre l’achat d’avions

Lors de la prochaine session de l’Assemblée de Corse, un projet de garantie d’emprunt au profit de la CCM est proposé au vote. La société d’économie mixte aérienne corse souhaite utiliser cette garantie pour acheter deux Airbus A320.

La CCM veut remplacer, pour un coût total de 78 millions d’euros (M€), deux A320 actuellement loués. Or, selon le rapport, les banques refusent à la CCM le prêt, sauf garantie explicite de la CTC ou alors à des « à des taux d’intérêt excessivement prohibitifs compte tenu du contexte actuel des marchés financiers ».

Pour ce qui est du prêt garanti, il a les caractéristiques suivantes : opérations organisées par Natixis, 62 M$ au total, sur une durée de 12 ans, sur une devise en euros et/ou dollars et à un taux variable, indexé sur des taux d’intérêts interbancaires (Libor* USD 3 mois + 3,4 % pour les sommes en dollar et ou Euribor** 3 mois + 3,00 % pour les euros). Au 29 septembre, le taux effectif du prêt est de 3,75 % en euros et de 3,69 % en dollars. Les marges appliquées (+3 % ou +3,4 %) semblent correctes, même si le rédacteur n’est pas un familier de ce genre d’opération. En cas de défaillance de la CCM sur son prêt, la CTC s’engage, par la garantie, à payer 50 % des sommes encore dues.

Le fait de passer d’avions loués à des avions achetés présente l’intérêt pour la CCM de réduire son impôt sur les bénéfices, en déduisant les sommes liées à l’amortissement des appareils. En 2008, le bénéfice de la CCM a été de 1,4 millions d’euros (M€) et l’impôt sur les sociétés de 693 120 €. De plus les avions neufs seraient moins coûteux à entretenir. En revanche, la dette bancaire de la compagnie va s’alourdir (59,8 M€ de dette bancaire en 2008).

Quelques interrogations autour de cette demande de garantie

Premièrement, cette opération permettra-t-elle de diminuer les charges totales de la CCM par rapport à la situation actuelle ? Comme le prêt est remboursable sur 12 ans et en tablant sur un taux moyen de 5 % (les taux interbancaire sont actuellement au plus bas et ne peuvent que remonter), le coût annuel en euros tournerait autour de 5 M€. Comme le rapport ne précise pas le coût de la location des appareils, des économies de maintenance envisagées, ni de l’impact sur les impôts, difficile de savoir si acheter est une opération rentable.

Deuxièmement, la CTC prend-elle un risque important ? Actuellement la CCM bénéficie d’une rente via la continuité territoriale. En 2008, la compagnie aérienne corse a touché 50,8 millions d’euros de subventions d’exploitation, dont 35,2 M€ au titre du bord à bord, soit 29 % de son chiffre d’affaire total. Ainsi, la situation financière de la CCM soit à la fois forte et fragile. Forte, car, grâce aux subventions de la continuité territoriale et au monopole, elle a une partie de ses revenus assurés. Fragile, car les rapports de force dans le ciel corse sont en train de profondément se modifier. La concurrence se renforce sur les lignes de Paris. Les low costs devraient s’implanter de plus en plus fermement dans le paysage. Dans ce contexte, les rapports avec Air France resteront-ils à l’identiques ? La CCM va-t-elle perdre du chiffre d’affaire sur les lignes avec Paris ? La continuité territoriale sera-t-elle amenée à évoluer dans les 10 prochaines années, avec l’ouverture d’Orly (monopole Air France/CCM) à la concurrence ? Ces questionnements ne sont pas sans conséquences, car ils mettent la rentabilité de l’achat des A320 sous pression, donc augmentent le risque porté par la CTC. Rappelons-nous les difficultés de la SNCM depuis 15 ans. Notons d’ailleurs que les banques, en refusant de prêter à la CCM sans la garantie de la CTC, envoient un signal inquiétant. Au final, le risque semble limité, mais les incertitudes sont importantes et la CTC (actionnaire) se doit de surveiller de près la solidité financière de la compagnie (un peu plus de transparence est d’ailleurs souhaitable).

Troisièmement, le rapport précise que la garantie sollicitée ne rentre pas en contradiction avec les règles européennes de la concurrence. Toutefois, le soutien public envers la CCM est déjà très important. La garantie permettra à la CCM d’améliorer ses opérations sur des lignes où la concurrence s’ouvre. On ne peut donc exclure des actions devant la Commission européenne de la part des compagnies privées.

Mercredi 30 Septembre 2009
Guillaume Guidoni