De l'inflation pour sortir de la crise, une solution dangereuse pour la Corse


Comment sortir de la crise de la dette ? Cette question hante les nuits des dirigeants politiques et économiques de la zone euro, jusqu’ici sans réponse définitive.



Les plans d’austérité succèdent aux plans de sauvetage pour les banques ou pour les gouvernements des pays dits « périphériques ». Depuis maintenant plus de 2 ans, avec le début de la crise grecque, la situation financière des Etats d’Europe du Sud n’a cessé de se dégrader alimentant une crise sociale sans précédant depuis 60 ans. Les taux de chômage espagnol et grec dépassent désormais 20 %, celui du Portugal approche 16 %. L’Italie, jusqu’ici relativement épargnée, enregistre désormais une hausse explosive du chômage.

Si l’on met à part le cas grec – où l’incurie de l’Etat et l’absence de sursaut collectif laissent peu d’espoir – le « régime allemand » est un échec. Cette politique mise en priorité sur un retour rapide à l’équilibre via des coupes brutales dans les dépenses publiques mais aussi des baisses de salaires et de pensions de retraite. Cette cure enferme les économies italienne, espagnole et portugaise dans une spirale récessive et déflationniste.

Pour surmonter cet échec beaucoup appellent désormais la Banque Centrale Européenne à s’impliquer plus fermement et faire tourner la planche à billet pour financer les déficits des états les plus en difficultés. Mais, cette idée séduisante sur le papier, n’est-elle pas illusoire et dangereuse ?

La BCE a déjà lancé une politique d’achat de dettes. L’institution a acheté 70 milliards d’euros de dettes bancaires structurées et 212 milliards d’euros d’obligations depuis mi-2010, dont environ 55 milliards d’euros d’obligations souveraines grecques. De plus, la banque centrale a injecté près de 1 000 milliards d’euros dans les banques sous forme de prêts à long terme pour stabiliser le système bancaire européen. Toutefois, ces montants très conséquents n’ont pas réduit le stress pesant sur la zone euro.

Il faudrait donc faire encore plus et monétiser la dette à grande ampleur, comme le font les banques centrales américaine et britannique. Mais ceci pose des problèmes très lourds.

D’une part, les traités interdisent à la banque d’intervenir sur le marché de la dette publique sauf en cas de dislocation. Mais, dans ce cas, l’intervention doit rester de faible ampleur et temporaire. On ne peut raisonnablement demander aux dirigeants de la BCE de transgresser leur mandat et de risquer une condamnation pour forfaiture.

D’autre part, l’opposition au sein même de la banque centrale européenne est forte. Les gouverneurs allemand, autrichien, hollandais et luxembourgeois sont hostiles à l’extension des achats de dettes. L’expérience des années 20 (hyperinflation en Allemagne) agit comme un repoussoir. De plus, ces gouverneurs craignent que la discipline budgétaire se relâche si la BCE intervient plus massivement.

Car, si l’on veut que la BCE finance directement les Etats pour mettre fin à la dépendance envers les marchés, les sommes à mettre sur la table sont encore plus colossales. Rien que pour la France, l’Italie et l’Espagne, il faudrait imprimer pour 2000 milliards d’euros en 2012 et 2013.

Si la banque centrale libère un tel torrent d’argent, cette liquidité finira par créer de l’inflation. Les exemples historiques ne manquent pas. Ce n’est d’ailleurs pas du tout ce que font les USA, le Royaume-Uni ou le Japon. Dans ces pays les banques centrales ne financent pas directement les états et le risque inflationniste est sous surveillance constante.

Maintenant, sans aller jusqu’à créer une situation incontrôlable, il serait toujours possible de générer un peu d’inflation pour permettre aux Etats mais aussi aux ménages et aux entreprises de se soulager un peu du poids de la dette.

Mais, compte tenu de l’impact négatif sur le pouvoir d’achat (surtout des retraités) de ce type de politique et de la part de la consommation des ménages et des touristes dans l’économie, la Corse n’en sortirait pas franchement gagnante.

Article publié dans le magazine Corsica en juillet 2012.

Dimanche 19 Aout 2012
Guillaume Guidoni