Du côté des inégalités, la Corse est plus méditerranéenne que française




Un taux de pauvreté proche de celui de l’Italie et de l’Espagne

Nous avons déjà abordé le problème de la pauvreté et des inégalités de revenus en Corse. L’île détient le record national de pauvreté, avec 19% de ménages concernés (données 2006), et d’inégalités.

Toutefois, si la situation est très dégradée par rapport à la moyenne nationale, elle est moins contrastée par rapport aux pays méditerranéens. En effet, Que ce soit en Italie ou en Espagne, le taux de pauvreté y est très proche, avec 20 % des ménages concernés dans les deux cas. De même la Grèce et Chypre sont aussi très touchées, avec 21 % (record européen) et 16 % des ménages respectivement. Seule Malte s’en sort mieux, avec 14 % des ménages.

Ces données donnent en fait une mesure de l’inégalité de revenus au sein de chaque pays. Par exemple, un pays peut très bien avoir des revenus par tête plus faibles que l’Italie et un taux de pauvreté moins élevé. Il suffit que les écarts de revenus y soient moins marqués. C’est d’ailleurs ce que l’on observe dans les pays d’Europe de l’Est, qui bien que plus pauvres en absolus, sont en fait frappés de taux de pauvreté plus faibles.

Un modèle méditerranéen d’inégalités de revenus, qui semble à bout de souffle

Comme précisé ci-dessus, une autre façon d’aborder le problème de la pauvreté est de regarder les inégalités de revenus au sein de la population. On utilise pour ça le coefficient de Gini (définition) qui permet de comparer les inégalités de répartition des revenus au sein d’une population. Plus le coefficient est proche de 1, plus la société est inégalitaire. On voit sur le graphique ci-contre que les sociétés bercées par mare nostrum ont en général des indices plus élevés.

Ainsi, la Corse s’intègre dans un ensemble méditerranéen cohérent, avec un taux de pauvreté important et une société plus inégalitaire. On est très loin de la situation qui prévaut dans les pays scandinaves. En effet, le taux de pauvreté est de 10 % des ménages en Islande, de 11 % en Norvège et de 12 % en Suède. Cette différence avec le nord de l’Europe est en générale expliquée par l’idée d’une cohésion familiale plus forte, avec des transferts entre générations (plus large que les transferts parents/enfants) qui ne sont pas pris en compte par les statistiques. Par exemple, les jeunes restent plus longtemps chez leurs parents. Enfin, les taux d’emplois chez les jeunes, les seniors et les femmes sont faibles.

Par conséquent, la société corse est – sous le prisme des inégalités – toujours plus proche de l’Italie ou de l’Espagne, malgré plus de 2 siècles d’intégration à la France. De plus, au sein de son ensemble géographique, elle ne se distingue pas par des performances plus reluisantes. En effet, Chypre ou Malte ont de meilleurs résultats. Pour mémoire, ces deux pays ont des revenus proches de ceux de la Corse, une fois corrigés des différences de niveau de prix (calculs disponibles sur le site d’Eurostat).

Or, il semble que ce modèle, dont se sont accommodés les pays d’Europe du Sud, soit remis en question. En effet, les solidarités intrafamiliales évoluent et la famille méditerranéenne se réduit à la famille proche. Ceci réduit les possibilités d’entraide. Une illustration de ce glissement est le développement des familles monoparentales qui sont les plus touchées par la pauvreté (cf. article précédent). Or, dans le même temps, les taux d’emplois restent très bas pour les publics fragiles. Ainsi, l’on perd d’un côté sans gagner de l’autre. Par conséquent, le modèle n’arrive plus à amortir les inégalités, il arrive en bout de course.

Lundi 5 Octobre 2009
Guillaume Guidoni