Faut-il sonner l’alerte démographique ?


Le flux migratoire semble s’essouffler plus vite que prévu. Un danger qui doit conduire à renforcer rapidement les leviers pour booster la population active et la croissance potentielle.



De nombreux indicateurs plaident pour un ralentissement démographique en Corse. Notamment, dans l’immobilier, les transactions dans l'ancien se sont stabilisées depuis 3 ans mais loin des niveaux des années 2000. Le neuf s’essouffle. Dans les ports et aéroports, le solde des entrées-sorties est d’à peine +2 000 personnes entre 2009 et 2013. Enfin, en 2012 la population résidente de l’île est finalement inférieure de 2 300 habitants par rapport aux dernières estimations. Ce ralentissement souligné par ces indices concordants était attendu, mais pas si tôt.

S’il se confirme dans les prochaines données, le coup de frein démographique est loin d’être neutre. Outre une moindre croissance « mécanique » des agrégats de demande (consommation, investissement notamment immobilier), il conduirait à une accélération du processus de vieillissement et invaliderait les projections de population active, déjà bien fragiles. Ceci participe à déprimer le potentiel de croissance à moyen terme de l’île bien plus rapidement que prévu.

Certes, avec un chômage et un nombre d’allocataires du RSA en hausse, on peut trouver qu’une moindre concurrence sur le marché du travail (grâce au rétrécissement de la population active) est une bonne chose. Mais, les chômeurs aussi vieillissent, leurs compétences ne sont pas forcément adaptées et tous les départs à la retraite ne seront pas remplacés. On risque donc d’avoir la formation de goulets d’étranglement pour les entreprises et un rétrécissement du besoin de main d’œuvre peu qualifiée (commerces, construction) puis, au final, des départs massifs pour les jeunes (comme durant les années 90). Ceci plombant à nouveau la croissance potentielle, conduisant à encore moins de créations d’emploi. Le cercle vicieux de la décroissance.

Dans ce contexte, si l’immigration reste nécessaire elle est non suffisante, car l’on ne la maîtrise pas (encore moins sans politique affirmée). Les autres leviers sont connus mais nécessitent des politiques publiques bien plus ambitieuses : élévation du taux d’activité des femmes et des plus de 55 ans, meilleur appariement sur le marché du travail (formation, lutte contre le chômage de longue durée et la précarité), hausse du taux de natalité, choc au niveau de la productivité. Le défi démographique est devant nous. Nous ne devons pas l’ignorer car la nature à horreur du vide, surtout si ce vide est une « île de beauté ».

Jeudi 5 Février 2015
Guillaume Guidoni