Foncier et immobilier en Corse : un rapport bien mais pas top


Le rapport sur le foncier est très intéressant mais n’aborde qu’une toute partie du problème. Attention à ne pas se lancer dans une politique à l’aveugle.



L’Exécutif a publié son rapport sur la problématique du foncier en Corse. Pour le première fois, une réflexion ouverte et transparente a été menée sur une question de fond en Corse. C’est un point très positif et il faut le souligner. La méthode a été à des années lumières de celle employée pour feu le Padduc 1.

Toutefois, la partie diagnostic qui nous intéresse dans cet article n’est pas exempte de critique. Bien que le document soit de bonne qualité et apporte des informations très intéressantes sur le foncier au sens de terrain (agricole, à bâtir), il n’a pas abordé le lien fondamental entre occupation du territoire, consommation du foncier, nouvelle construction et marché immobilier.

Le rapport se concentre sur l’aspect foncier agricole. Les données sont principalement issues de la SAFER et des déclarations d’intention d’aliéner. Cela ne prend malheureusement en compte qu’une toute petite partie du problème. Le lien avec le marché immobilier n’est pas fait. Les biens anciens ne sont pas couverts par ce rapport, alors que cette part du marché pèse 70 % des transactions totales et que les tensions sur ce marché se répercutent aussi sur le neuf et sur le foncier. L’activité des promoteurs n’est pas abordée, alors que ce sont les plus gros vendeurs annuels de logements neufs (plus de 1 500 logements vendus en 2010, à un prix moyen de 3 200 €/m² pour le collectif). L’aspect construction de logement se réduit à 3 phrases sur les permis de construire, là où il aurait plutôt fallut regarder les mises en chantiers. De même, pas un mot que les mises en chantier de locaux. On parle quand même de près de 114 000 m² en chantier sur les 12 derniers mois (juin 2010 – mai 2011). Enfin, du côté de l’évaluation annuelle du besoin de logements, on cite une étude qui tablait sur une population totale de 320 000 habitants en 2030. Or, la Corse est déjà à 310 000 en 2010 et atteindra selon toute vraisemblance les 320 000 habitants d’ici à 2 015. Bref, l’étude sous-évalue gravement le besoin de logements mais on prend quand même ces résultats comme référence. Curieux.

Quand on veut savoir ce qui se passe au niveau d’un marché, on regarde l’offre, la demande et le prix d’équilibre. Le rapport apporte quelques éléments sur les deux premiers points, et même des éléments de qualité (notamment sur l’origine des acheteurs de terrains agricoles). Pour les prix, comme prévu, les données sont quasi absentes (hors foncier agricole et prix moyen du collectif neuf). Sur ce point, il ne faut pas jeter la pierre au document, ce n’est que la conséquence de la quasi-absence d’informations fiables sur ce point en Corse. On ne pouvait pas raisonnablement attendre mieux.

Une remarque d’ailleurs sur l’utilisation des données de prix. Les données sur le collectif neuf ne sont pas des données sur les prix au m² construit mais des prix de ventes finaux à l’acquéreur par les promoteurs. Ces prix sont inférieurs de 11 % à la moyenne nationale fin 2010. En revanche, pour une maison individuelle pour un particulier (le « pavillon de banlieue » ou la résidence secondaire), le prix de la construction était en 2009 (pas de données encore sur 2010) de 1 307 €/m², soit le plus élevé parmi des régions françaises (moyenne hors DOM : 1048 €/m² ; PACA : 1 214 €/m², IDF : 1 144 €/m²). Pas vraiment la même chose…

Si le document reste par trop parcellaire, ce n’est pas à cause d’un manque de travail mais aussi à cause d’un manque de structuration de l’information. On ne peut qu’être d’accord avec ce qui est écrit dans le rapport :
« la connaissance des marchés fonciers reste un préalable indispensable en matière d’aide à la décision et à la planification »
« une des orientations d’action […] consisterait à construire une base de données commune (nomenclature, modèles et recensement partagés) intégrant l’ensemble des éléments et des données détenus par les nombreux opérateurs et acteurs […]. »
« La construction d’un observatoire des volumes et des prix des transactions afin de pouvoir disposer d’un tableau de bord prospectif pour pouvoir mesurer les différentes évolutions (surfaces, flux, destinations et prix). »

Pour dire les choses simplement, on reconnaît que l’on ne sait pas grand-chose. Le problème est qu’une « politique Régionale du Foncier et du Logement » sera quand même soumise au vote le 30 juin. Cette politique regroupe une liste impressionnante de mesures. On note même des aides à l’accession, dont on sait qu’elles peuvent facilement avoir des effets pervers sur les prix (course à l’échalote). Espérons que la CTC « muscle » rapidement sa connaissance de l’immobilier et du foncier car on risque encore de construire de beaux et coûteux châteaux en Espagne. Et puis il va falloir arrêter de créer une foultitude d’observatoires. Si l’on veut que l’Etat et ses services jouent le jeu et partagent l’information, il faut mettre en face une structure disposant d’une grande légitimité et d’une force de frappe humaine et technique.

Mardi 28 Juin 2011
Guillaume Guidoni