Innover sert-il à quelque chose ?




Innover permet-il de gagner de l’argent ?

L’innovation est un thème de politique économique très important, tant au niveau européen que régionale, comme l’illustre l’accent mis sur l’innovation et la recherche et sur le développement (R&D) dans la stratégie de Lisbonne ou encore dans les [politiques contractuelles]url: Région-État-Europe. L’innovation prend différentes formes : développement de nouveaux produits ou services, modification de la façon de produire des biens déjà en place, modification des méthodes de commercialisation ou du marketing, modification de l’organisation de l’entreprise.

Elle peut émerger de différentes façons : par de la recherche menée en interne, par une recherche financée par l’entreprise mais conduite ailleurs (dans le public, dans une autre entreprise), par l’acquisition de nouveaux matériels (logiciels, machines) ou de nouvelles techniques (formation, embauche de personnel spécialisé). L’innovation n’est donc pas que technologique*. Sa définition recouvre un champ plus large que les simples dépenses de R&D.

Si le lien entre innovation et croissance a de nombreuses justifications théoriques (Schumpeter, théorie de la croissance endogène, productivité totale des facteurs), il y a finalement assez peu d’études qui mettent clairement en lumière l’impact pour une entreprise de l’innovation. Or, pour pousser les entreprises, notamment les PME, à innover il faut bien leur prouver que cela aura un impact positif sur leur activité.

C’est l’intérêt d’une étude récente publiée par l’Insee**. Elle reprend les données issues de l’enquête européenne CIS 2006. A noter que cette enquête ne comprend pas de déclinaisons régionales. Toutefois, elle constitue une base méthodologique importante pour produire au niveau de la Corse, des statistiques sur l’impact des politiques publiques en faveur de l’innovation.

Les conclusions sont que quelque soit sa forme, l’innovation a des conséquences positives sur les résultats des entreprises. Les entreprises innovantes, quelques soit leur secteur, gagnent des part de marchés par rapport à leur concurrents non innovants, sur la période 2002-2006. Avec une exception, les services intellectuels (services professionnels, publicité-études de marché et l’architecture-ingénierie-contrôle) où il n’y a pas d’écart significatif.


Éléments de réflexion pour la Corse

Compte tenu du tissu économique de l’île, on laissera de côté ici les résultats des entreprises industrielles, pour ne discuter que ceux des différentes catégories de services. L’étude en liste trois : services technologiques (informatique, audiovisuel, télécoms), services intellectuels (voir ci-dessus) et les Services d'accueil ou d'appui (notamment hôtellerie, restauration, immobilier, sécurité et nettoyage).

Pour la première catégorie, le fait qu’une entreprise non innovante décroche par rapport aux autres n’est pas très étonnant. On voit mal comment une entreprise informatique qui en serait restée aux technologies des années 80, serait plus performante que celles étant à la pointe. C’est d’ailleurs dans ce secteur que l’on trouve la proportion la plus forte d’entreprises innovantes, sous quelque forme que ce soit.

Pour les services intellectuels, si les gains de part de marché liés à l’innovation semblent nuls, on remarque toutefois qu’une entreprise qui conduit un processus d’innovation important (innovant à la fois sur les produits, les méthodes de production et le marketing) dégage bien des gains par rapport aux non innovantes.

Plus surprenant est l’impact très positif pour les services d'accueil ou d'appui. Une entreprise innovante dans ce secteur (quelque soit la forme) voit ses effectifs croîtrent près de 4 % plus vite chaque année qu’une non innovante. La valeur ajoutée est plus sensible au type d’innovation mise en œuvre, mais globalement elle croît près de 3 % plus vite. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que pour ce secteur, même une innovation de type marketing a un impact nettement positif, ce qui ne se voit pas ailleurs.

C’est là le résultat le plus intéressant de l’étude. Il montre que les services dit à faible intensité en connaissance et à faible qualification gagnent pourtant beaucoup à innover. Ceci va dans le sens de politiques publiques d’innovation « larges », ciblant autant les secteurs technologiques que les secteurs plus traditionnels.

Toutefois, ces politiques doivent avoir une approche différentiée entre entreprise technologique, qui innovera tout azimut (produits, processus, organisation et marketing), et une « entreprise traditionnelle », qui a une approche plutôt centrée sur l’organisation et le marketing.

Enfin, point plutôt négatif pour la Corse, on note que les entreprises innovantes sont plutôt de tailles importantes, supérieure à 30 salariés. De plus les dépenses sont importantes, autour de 500 000 euros pour les innovations portant sur les produits ou les processus et 300 000 euros pour les innovations marketing. Des sommes exorbitantes pour les PME corses.

*Définition OCDE : « On entend par innovation technologique de produit la mise au point/commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés. Par innovation technologique de procédé, on entend la mise au point/adoption de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou notablement améliorées. Elle peut faire intervenir des changements affectant – séparément ou simultanément – les matériels, les ressources humaines ou les méthodes de travail »

** Services et industrie : différents types d'innovations pour améliorer les performances, septembre 2009

Jeudi 17 Septembre 2009
Guillaume Guidoni