La proposition faite dans le cadre du débat d’orientation sur le PADDUC sur de créer une monnaie complémentaire paraît surprenante de prime abord. En effet, la Corse va-t-elle se mettre à battre monnaie ? La CTC va-t-elle faire marcher la planche à billet ?
Bien évidemment, il ne s’agit pas de cela. En zone euro, seule la Banque Centrale Européenne à le droit de faire circuler des pièces et billets. Mais, une monnaie complémentaire n’est pas une « vraie » monnaie. Il s’agit plus d’un titre d’échange associatif dont la validité reste circonscrite à un cadre précis.
C’est bien le caractère limité des possibilités d’échange qui fait la légalité de ce type de moyen de paiements. L’Article L521-3. I du Code Monétaire précise d’ailleurs qu’une structure «peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services ».
En clair, une monnaie complémentaire circule en quantité limitée au sein d’un cercle réduit d’agents s’échangeant une quantité limitée de biens ou services.
En fait, le cœur de l’idée est reliée à la promotion d’objectifs éthiques et sociaux (ex : produits biologiques, circuits court pour la consommation alimentaires, modification du cadre social dans les entreprises…). La monnaie complémentaire sert d’incitation pour atteindre ces buts.
Bref, on ne voit pas trop comment cette monnaie complémentaire pourrait modifier en profondeur la situation économique en Corse.
Pour autant, une telle expérience peut-elle avoir un impact macroéconomique ?
Selon la théorie quantitative de la monnaie, la circulation de la masse monétaire et la valeur des échanges économiques sont liées par l’équation :
MxV = PxY (x = multiplication)
M : masse monétaire présente dans l’économie, soit l’encours de titres d’échange dans le cas de la monnaie complémentaire
V : vitesse de circulation de la monnaie (pour faire simple, le nombre d’échanges fait avec un billet dans un laps de temps)
P : Prix des biens et services échangés
Y : Quantité échangée de biens et services, soit en gros le PIB en volume (celui qui compte pour la croissance)
Les titres d’échange papier liés à la monnaie complémentaire ont une date d’expiration. Donc, dans le cadre théorique précédent, cela revient à augmenter la vitesse de circulation de la monnaie V (date de péremption empêchant la thésaurisation), donc les échanges économiques (PxY). En supposant que les prix soient identiques à ceux observés en euro, on a donc une augmentation plus rapide de Y (car vitesse de circulation de l’euro plus faible), donc une augmentation du PIB produit avec de la monnaie complémentaire par rapport à celui produit avec des échanges en euros. Soit dit en passant, l’un des problèmes de la crise actuelle est que la vitesse de circulation de la masse monétaire de la zone euro (la vraie, celle pilotée par la BCE et les banques) a fortement chuté.
De surcroît, dans le cas de la Corse, une large part des biens consommés sont importés. Ceci induit une « fuite » de masse monétaire vers l’extérieur, certes compensée par les entrées liés aux transferts (tourisme, retraites, prestations, dépenses publiques). Étant entendu que la monnaie complémentaire ait pour objet d’inciter à consommer local, elle force par construction la « fixation» dans l’île des échanges, réduit la fuite de masse monétaire et augmente à nouveau le couple PxY par rapport à l’euro.
Il y a donc une vraie logique économique. Toutefois, plusieurs limitations au développement d’une monnaie complémentaire en Corse doivent être soulignées.
D’une part, le cadre légal implique que la monnaie complémentaire ne peut devenir un poids lourd dans les échanges, limitant très fortement son impact économique.
D’autre part, il ne faut négliger la problématique inflationniste d’un tel outil. Celle-ci provient de la date d’expiration des titres mais aussi de possibilités d’achat limités. En forçant l’augmentation de la vitesse V, on provoque implicitement une dévaluation dans le temps de la valeur des titres. Dans ce cas, le couple PxY augmente mais ceci risque de se faire à travers de l’inflation (P) plutôt que de la création de richesse réelle (Y). Sur la durée, le suivi des prix des échanges faits en monnaie complémentaire est aussi important que celui de ceux fait en euro car il conditionne la crédibilité de ce moyen d’échange.
Enfin, la convertibilité totale et immédiate de la monnaie complémentaire avec l’euro peut déstabiliser l’association qui gère cette monnaie (« bank run », toutefois très peu probable car le stock de capital est limité). Notons que la possibilité de sortir des fonds sous forme d’euros conditionne la participation des producteurs au processus (toujours du fait du caractère restreint des échanges possibles avec la monnaie complémentaire).
En conclusion, il ne faut pas attendre de cet outil une révolution monétaire en Corse. Il faut le prendre pour ce qu’il est, à savoir un moyen de cibler de façon bien précise un objectif de développement social et/ou éthique. L’effet d’entraînement est fortement conditionné à l’adhésion des consommateurs aux objectifs visés.
Bien évidemment, il ne s’agit pas de cela. En zone euro, seule la Banque Centrale Européenne à le droit de faire circuler des pièces et billets. Mais, une monnaie complémentaire n’est pas une « vraie » monnaie. Il s’agit plus d’un titre d’échange associatif dont la validité reste circonscrite à un cadre précis.
C’est bien le caractère limité des possibilités d’échange qui fait la légalité de ce type de moyen de paiements. L’Article L521-3. I du Code Monétaire précise d’ailleurs qu’une structure «peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services ».
En clair, une monnaie complémentaire circule en quantité limitée au sein d’un cercle réduit d’agents s’échangeant une quantité limitée de biens ou services.
En fait, le cœur de l’idée est reliée à la promotion d’objectifs éthiques et sociaux (ex : produits biologiques, circuits court pour la consommation alimentaires, modification du cadre social dans les entreprises…). La monnaie complémentaire sert d’incitation pour atteindre ces buts.
Bref, on ne voit pas trop comment cette monnaie complémentaire pourrait modifier en profondeur la situation économique en Corse.
Pour autant, une telle expérience peut-elle avoir un impact macroéconomique ?
Selon la théorie quantitative de la monnaie, la circulation de la masse monétaire et la valeur des échanges économiques sont liées par l’équation :
MxV = PxY (x = multiplication)
M : masse monétaire présente dans l’économie, soit l’encours de titres d’échange dans le cas de la monnaie complémentaire
V : vitesse de circulation de la monnaie (pour faire simple, le nombre d’échanges fait avec un billet dans un laps de temps)
P : Prix des biens et services échangés
Y : Quantité échangée de biens et services, soit en gros le PIB en volume (celui qui compte pour la croissance)
Les titres d’échange papier liés à la monnaie complémentaire ont une date d’expiration. Donc, dans le cadre théorique précédent, cela revient à augmenter la vitesse de circulation de la monnaie V (date de péremption empêchant la thésaurisation), donc les échanges économiques (PxY). En supposant que les prix soient identiques à ceux observés en euro, on a donc une augmentation plus rapide de Y (car vitesse de circulation de l’euro plus faible), donc une augmentation du PIB produit avec de la monnaie complémentaire par rapport à celui produit avec des échanges en euros. Soit dit en passant, l’un des problèmes de la crise actuelle est que la vitesse de circulation de la masse monétaire de la zone euro (la vraie, celle pilotée par la BCE et les banques) a fortement chuté.
De surcroît, dans le cas de la Corse, une large part des biens consommés sont importés. Ceci induit une « fuite » de masse monétaire vers l’extérieur, certes compensée par les entrées liés aux transferts (tourisme, retraites, prestations, dépenses publiques). Étant entendu que la monnaie complémentaire ait pour objet d’inciter à consommer local, elle force par construction la « fixation» dans l’île des échanges, réduit la fuite de masse monétaire et augmente à nouveau le couple PxY par rapport à l’euro.
Il y a donc une vraie logique économique. Toutefois, plusieurs limitations au développement d’une monnaie complémentaire en Corse doivent être soulignées.
D’une part, le cadre légal implique que la monnaie complémentaire ne peut devenir un poids lourd dans les échanges, limitant très fortement son impact économique.
D’autre part, il ne faut négliger la problématique inflationniste d’un tel outil. Celle-ci provient de la date d’expiration des titres mais aussi de possibilités d’achat limités. En forçant l’augmentation de la vitesse V, on provoque implicitement une dévaluation dans le temps de la valeur des titres. Dans ce cas, le couple PxY augmente mais ceci risque de se faire à travers de l’inflation (P) plutôt que de la création de richesse réelle (Y). Sur la durée, le suivi des prix des échanges faits en monnaie complémentaire est aussi important que celui de ceux fait en euro car il conditionne la crédibilité de ce moyen d’échange.
Enfin, la convertibilité totale et immédiate de la monnaie complémentaire avec l’euro peut déstabiliser l’association qui gère cette monnaie (« bank run », toutefois très peu probable car le stock de capital est limité). Notons que la possibilité de sortir des fonds sous forme d’euros conditionne la participation des producteurs au processus (toujours du fait du caractère restreint des échanges possibles avec la monnaie complémentaire).
En conclusion, il ne faut pas attendre de cet outil une révolution monétaire en Corse. Il faut le prendre pour ce qu’il est, à savoir un moyen de cibler de façon bien précise un objectif de développement social et/ou éthique. L’effet d’entraînement est fortement conditionné à l’adhésion des consommateurs aux objectifs visés.