source : Bibliothèque nationale de France
Les régions méditerranéennes sont paradoxales. Destinations touristiques rêvées toutes l'année, elles attirent en masse les estivants mais aussi, pour une partie du littoral, des nouveaux habitants à la recherche d'une vie plus agréable. Pourtant, la promesse de bénéfices sociaux et économiques sur laquelle est bâtit l'intégration européenne laissait la place à un sentiment d'échec pour les régions bordant la Méditerranée, avant même que la COVID-19 ne mette les économies touristiques au tapis.
C’est au bord de mare nostrum que l’on retrouve les pays ayant le plus souffert depuis 10 ans et le déclenchement de la crise financière internationale puis de la crise de la zone euro. L’Europe de l’Est a rapidement retrouvé un rythme de convergence somme toute rapide vers le niveau de vie européen. Au sud, rien de tout cela. C’est dans les régions méditerranéennes que l’on retrouve les taux de chômage les plus élevés, notamment pour les jeunes. C’est aussi là que se concentrent les régions les plus vieillissantes, avec un tissu économique peu industriel et à faible productivité, une pauvreté élevée, une place de l’innovation très limitée et une focalisation sur le tourisme saisonnier. La revue des dernières statistiques pour les régions du sud de l’Italie ou de la côte espagnole ne rend pas très optimiste quand à la capacité de ces territoires de trouver les réponses aux grands défis sociaux qu’ils affrontent actuellement.
La Grèce en est l'exemple extrême. Le repli de son niveau de vie a été spectaculaire. Malgré une reprise depuis peu, le PIB par habitant y a chuté entre 2007 et 2019 de près de 20 %. A plus de 16 % fin 2019, le chômage était encore massif. Même si la reprise d'avant la COVID-19 avait persisté, il aurait fallut au moins une autre décennie pour récupérer une telle perte. En Espagne, où la crise fut aussi particulièrement sévère, ou en Italie, où elle fut moins aigüe mais plus persistante, le chômage restait une préoccupation majeure dans les régions du sud, avec des taux de chômage entre 17 et 20 % fin 2019. Les jeunes sont les plus touchés, avec un taux autour de 30 % dans les trois grands pays d’Europe du Sud, plus du double de la moyenne de la zone euro. Et encore, ce taux ne prend en compte que ceux recherchant encore un emploi. La part des jeunes déscolarisés, sans diplôme, sans formation et sans emploi se situait entre 20 % et 40 % des 18-24 ans selon les régions du sud. Il s'agit d'une situation calamiteuse par rapport au reste de l'Europe. A l'est, les taux de chômage ne dépassaient plus que rarement... 6 %.
Dans cet environnement, la Corse se plaçait parmi les régions les moins en difficultés. Son économie a souffert sur les 10 dernières années, mais pas dans les proportions observées ailleurs. Alors que les îles italiennes ou grecques enregistrent les situations les plus difficiles de ces pays, la Corse n’a pas décrochée significativement par rapport au reste de la France sur la période 2007-2019. Toutefois, sa structure économique n’est pas fondamentalement différente. On y retrouve les mêmes questionnements que dans les autres régions du pourtour méditerranéen sur l’inclusion de la jeunesse, la précarité, la faiblesse de la base productive, les inégalités ou un vieillissement rapide.
Ces ressemblances, alors que les structures étatiques sont très différentes d’une zone à l’autre, font ressortir une cohérence d’ensemble, un « modèle méditerranéen ». Il trouve son origine dans la seconde phase de la Révolution industrielle. La crise financière (encore une !) des années 1870 marque la fin de la phase initiale, où les surplus dégagés par l’activité agricole formaient la base du processus d’accumulation du capital et le développement des usines en Europe. De nouvelles innovations arrivent : électricité, chimie, pétrole, transport. Une mutation touche par vague la métallurgie, l'agriculture, l’industrie du bois et les industries alimentaires. L’effet le plus net est la déflation des cours des principales productions agricoles ou industrielles sur laquelle la Méditerranée était positionnée. En Corse, le tournant entre le XIXe et le XXe siècle marquera le début d’un long déclin.
Hormis pour quelques poches de développement industriel, comme en Catalogne, les régions méditerranéennes s’adaptent mal. Elles restent des économies rurales alors que le capitalisme n’a plus pour base les fortunes foncières et agricoles. Le chemin de fer et la navigation à vapeur permettent de transporter sur de longue distance des volumes beaucoup plus importants, réduisant la compétitivité des marchandises produites. Enfin, les matières premières les plus recherchées par l’industrie de l’époque ne sont pas présentent en grande quantité. Après sa relégation au second rang au XVIe siècle, quand le grand commerce à pris le grand large, le littoral européen de la Méditerranée passe au 3e rang, derrière les grandes métropoles et les régions industrieuses.
L’émigration devient la reine de la démographie. La Corse en est presque un exemple caricatural. Alors que sa situation migratoire était neutre sur la première partie du XIXe siècle, 2 000 personnes « nettes » par an quittent l’île entre 1881 et 1901 puis près de 2 500 par an entre 1901 et 1911. Le choc cataclysmique de la Grande Guerre accélère le mouvement. La Corse perd 5 400 personnes « nettes » par an entre 1911 et 1921. Ensuite, le solde migratoire reste massivement négatif durant les années 20 et les années 30, avec respectivement une perte annuelle autour de 2 500 puis 3 500 personnes. Les mouvements sont ensuite stoppés par la Seconde Guerre Mondiale, puis les départs reprennent sur un rythme toujours impressionnant, avec une sortie nette de près 22 000 personnes de 1946 et 1954.
Face à la relative désorganisation des activités économiques locales et à un marché intérieur limité par un niveau de vie bas, la société méditerranéenne renforce ses liens de solidarité et de clientèle. Revers de la médaille, elle s’accommode aussi de plus d’inégalités et d’une précarité endémique ayant pour source principale un niveau d’emploi faible chez les jeunes, les seniors et les femmes. L’écart de niveau de vie entre le nord et le sud de l’Europe devient une constante européenne.
L'essor de la société des loisirs et du tourisme a redonné une place à ces régions. Leur modèle économique s'est de plus en plus axé sur les activités présentielles. Selon la définition de l'Insee, « les activités présentielles sont les activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu'elles soient résidentes ou touristes ». Les autres activités sont productives, à savoir « produisant des biens majoritairement consommés hors de la zone et des activités de services tournées principalement vers les entreprises correspondantes ».
Ce modèle a sa part de réussite. La Corse du début du XXIe siècle est, à tous points de vue, dans des situations économique ou sociale incomparablement meilleures par rapport à celles des années 50. La Corse a connu une amélioration continue et significative, rattrapant un retard béant il y a 60 ans. Le revenu des ménages n’est plus le plus bas de France métropolitaine. Le revenu disponible moyen par tête est poche de la moyenne des régions de province.
Peu à peu, la croissance des décennies 90 et 2000 normalisait les modes de vie au sud de l'Europe. Mais, à l’image de 1870, la décennie de crise partant de 2007 a provoqué une rupture majeure. Depuis, le sud de l’Europe a au mieux stagné et a souvent nettement reculé en niveau de vie, avec quelques poches de croissance (Corse, Baléares, Catalogne).
Pour partie, cette crise méditerranéenne est interne. Avant tout chose, la Grèce s’est enfoncée dans une tragédie sociale à cause d’une grande complaisance envers les fragilités de son modèle économique, d’un état sur beaucoup de points défaillant et de dettes héritées des années 70 et 80. L'économie présentielle est exploitée logiquement et intensivement partout. Mais, elle s'est construite sans diversification, sauf en Catalogne. L'hyper-focalisation étouffe les alternatives, captant les capitaux financier, humain ou environnemental. De plus, la COVID-19 engendre un choc de productivité, exacerbé sur les activité où elle est structurellement déjà faible. Or, ce sont ces activités qui sont au cœur du modèle économique méditerranéen.
Mais aux faiblesses intérieures s’ajoute un échec de la logique européenne. Les grandes politiques de l'UE ont globalement tapé à côté. Les fonds structurels en faveur des infrastructures, des entreprises ou du social ont souvent été utiles, mais sans réussir à faire basculer les économies régionales vers des modèles plus solides.
Les règles européennes rigidifient considérablement le cadre dans lequel des aides économiques peuvent être accordées dans l’île. En effet, au-delà du cadre national, le cadre européen impose une concurrence libre et non faussée entre les entreprises au sein de l’espace économique européen. Il est possible d’octroyer des aides compatibles avec le marché intérieur, notamment des aides sociales et des aides régionales. Mais, la Commission européenne en est seule juge de la pertinence ou du respect des règles qu'elle édicte. Et elle est très pointilleuse.
Quand la loi française prévoit depuis 2019 que la Corse bénéficie d’un taux de crédit impôt recherche bonifié, la Commission bloque au nom de la libre concurrence. Alors même que le coût budgétaire est estimé à quelques millions d’euros au mieux, une telle mesure est traitée de la même façon qu’une mesure accordant des centaines de millions à certaines industries nationales. Alors que la Corse est un marché géographiquement cloisonné, alors que les entreprises corses dans leur immense majorité ne sont pas présentes sur le marché européen et alors que les entreprises extérieures sont, elles, bien présentes sur le marché corse, plus de souplesse tomberait sous le sens. Surtout pour une mesure susceptible d'engager une dynamique économique différente. La concurrence libre et non faussée ne semble pas conduire à mieux qu'un soutien a minima pour des investissements productifs. On soutien pour éviter la marginalisation, pas pour permettre une rupture de modèle. Aujourd'hui encore, les aides COVID pour les secteurs présentiels sont timides. Le logiciel DGCOMP s'applique alors que la crise sociale est déjà terrible et que les problèmes de concurrence ne se posent pas de la même façon que pour les marchandises ou des services à haute valeur ajoutée.
Le sentiment de déclassement des populations du sud va s'accentuer et n’est pas à prendre à la légère. La crise touristique inévitable de cet été peut enfoncer ces économies dans un nouveau marasme de 10 ans, alors qu'ailleurs le rebond peut se faire de façon insolente. Oui, le tourisme repartira mais le décalage entre les populations et les niveaux de vie sera aussi plus éclatant. Cette ligne de fracture et de frustration me semble un enjeu plus vital pour l'Europe que la lutte de pouvoir entre institutions ordolibérales.
C’est au bord de mare nostrum que l’on retrouve les pays ayant le plus souffert depuis 10 ans et le déclenchement de la crise financière internationale puis de la crise de la zone euro. L’Europe de l’Est a rapidement retrouvé un rythme de convergence somme toute rapide vers le niveau de vie européen. Au sud, rien de tout cela. C’est dans les régions méditerranéennes que l’on retrouve les taux de chômage les plus élevés, notamment pour les jeunes. C’est aussi là que se concentrent les régions les plus vieillissantes, avec un tissu économique peu industriel et à faible productivité, une pauvreté élevée, une place de l’innovation très limitée et une focalisation sur le tourisme saisonnier. La revue des dernières statistiques pour les régions du sud de l’Italie ou de la côte espagnole ne rend pas très optimiste quand à la capacité de ces territoires de trouver les réponses aux grands défis sociaux qu’ils affrontent actuellement.
La Grèce en est l'exemple extrême. Le repli de son niveau de vie a été spectaculaire. Malgré une reprise depuis peu, le PIB par habitant y a chuté entre 2007 et 2019 de près de 20 %. A plus de 16 % fin 2019, le chômage était encore massif. Même si la reprise d'avant la COVID-19 avait persisté, il aurait fallut au moins une autre décennie pour récupérer une telle perte. En Espagne, où la crise fut aussi particulièrement sévère, ou en Italie, où elle fut moins aigüe mais plus persistante, le chômage restait une préoccupation majeure dans les régions du sud, avec des taux de chômage entre 17 et 20 % fin 2019. Les jeunes sont les plus touchés, avec un taux autour de 30 % dans les trois grands pays d’Europe du Sud, plus du double de la moyenne de la zone euro. Et encore, ce taux ne prend en compte que ceux recherchant encore un emploi. La part des jeunes déscolarisés, sans diplôme, sans formation et sans emploi se situait entre 20 % et 40 % des 18-24 ans selon les régions du sud. Il s'agit d'une situation calamiteuse par rapport au reste de l'Europe. A l'est, les taux de chômage ne dépassaient plus que rarement... 6 %.
Dans cet environnement, la Corse se plaçait parmi les régions les moins en difficultés. Son économie a souffert sur les 10 dernières années, mais pas dans les proportions observées ailleurs. Alors que les îles italiennes ou grecques enregistrent les situations les plus difficiles de ces pays, la Corse n’a pas décrochée significativement par rapport au reste de la France sur la période 2007-2019. Toutefois, sa structure économique n’est pas fondamentalement différente. On y retrouve les mêmes questionnements que dans les autres régions du pourtour méditerranéen sur l’inclusion de la jeunesse, la précarité, la faiblesse de la base productive, les inégalités ou un vieillissement rapide.
Ces ressemblances, alors que les structures étatiques sont très différentes d’une zone à l’autre, font ressortir une cohérence d’ensemble, un « modèle méditerranéen ». Il trouve son origine dans la seconde phase de la Révolution industrielle. La crise financière (encore une !) des années 1870 marque la fin de la phase initiale, où les surplus dégagés par l’activité agricole formaient la base du processus d’accumulation du capital et le développement des usines en Europe. De nouvelles innovations arrivent : électricité, chimie, pétrole, transport. Une mutation touche par vague la métallurgie, l'agriculture, l’industrie du bois et les industries alimentaires. L’effet le plus net est la déflation des cours des principales productions agricoles ou industrielles sur laquelle la Méditerranée était positionnée. En Corse, le tournant entre le XIXe et le XXe siècle marquera le début d’un long déclin.
Hormis pour quelques poches de développement industriel, comme en Catalogne, les régions méditerranéennes s’adaptent mal. Elles restent des économies rurales alors que le capitalisme n’a plus pour base les fortunes foncières et agricoles. Le chemin de fer et la navigation à vapeur permettent de transporter sur de longue distance des volumes beaucoup plus importants, réduisant la compétitivité des marchandises produites. Enfin, les matières premières les plus recherchées par l’industrie de l’époque ne sont pas présentent en grande quantité. Après sa relégation au second rang au XVIe siècle, quand le grand commerce à pris le grand large, le littoral européen de la Méditerranée passe au 3e rang, derrière les grandes métropoles et les régions industrieuses.
L’émigration devient la reine de la démographie. La Corse en est presque un exemple caricatural. Alors que sa situation migratoire était neutre sur la première partie du XIXe siècle, 2 000 personnes « nettes » par an quittent l’île entre 1881 et 1901 puis près de 2 500 par an entre 1901 et 1911. Le choc cataclysmique de la Grande Guerre accélère le mouvement. La Corse perd 5 400 personnes « nettes » par an entre 1911 et 1921. Ensuite, le solde migratoire reste massivement négatif durant les années 20 et les années 30, avec respectivement une perte annuelle autour de 2 500 puis 3 500 personnes. Les mouvements sont ensuite stoppés par la Seconde Guerre Mondiale, puis les départs reprennent sur un rythme toujours impressionnant, avec une sortie nette de près 22 000 personnes de 1946 et 1954.
Face à la relative désorganisation des activités économiques locales et à un marché intérieur limité par un niveau de vie bas, la société méditerranéenne renforce ses liens de solidarité et de clientèle. Revers de la médaille, elle s’accommode aussi de plus d’inégalités et d’une précarité endémique ayant pour source principale un niveau d’emploi faible chez les jeunes, les seniors et les femmes. L’écart de niveau de vie entre le nord et le sud de l’Europe devient une constante européenne.
L'essor de la société des loisirs et du tourisme a redonné une place à ces régions. Leur modèle économique s'est de plus en plus axé sur les activités présentielles. Selon la définition de l'Insee, « les activités présentielles sont les activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu'elles soient résidentes ou touristes ». Les autres activités sont productives, à savoir « produisant des biens majoritairement consommés hors de la zone et des activités de services tournées principalement vers les entreprises correspondantes ».
Ce modèle a sa part de réussite. La Corse du début du XXIe siècle est, à tous points de vue, dans des situations économique ou sociale incomparablement meilleures par rapport à celles des années 50. La Corse a connu une amélioration continue et significative, rattrapant un retard béant il y a 60 ans. Le revenu des ménages n’est plus le plus bas de France métropolitaine. Le revenu disponible moyen par tête est poche de la moyenne des régions de province.
Peu à peu, la croissance des décennies 90 et 2000 normalisait les modes de vie au sud de l'Europe. Mais, à l’image de 1870, la décennie de crise partant de 2007 a provoqué une rupture majeure. Depuis, le sud de l’Europe a au mieux stagné et a souvent nettement reculé en niveau de vie, avec quelques poches de croissance (Corse, Baléares, Catalogne).
Pour partie, cette crise méditerranéenne est interne. Avant tout chose, la Grèce s’est enfoncée dans une tragédie sociale à cause d’une grande complaisance envers les fragilités de son modèle économique, d’un état sur beaucoup de points défaillant et de dettes héritées des années 70 et 80. L'économie présentielle est exploitée logiquement et intensivement partout. Mais, elle s'est construite sans diversification, sauf en Catalogne. L'hyper-focalisation étouffe les alternatives, captant les capitaux financier, humain ou environnemental. De plus, la COVID-19 engendre un choc de productivité, exacerbé sur les activité où elle est structurellement déjà faible. Or, ce sont ces activités qui sont au cœur du modèle économique méditerranéen.
Mais aux faiblesses intérieures s’ajoute un échec de la logique européenne. Les grandes politiques de l'UE ont globalement tapé à côté. Les fonds structurels en faveur des infrastructures, des entreprises ou du social ont souvent été utiles, mais sans réussir à faire basculer les économies régionales vers des modèles plus solides.
Les règles européennes rigidifient considérablement le cadre dans lequel des aides économiques peuvent être accordées dans l’île. En effet, au-delà du cadre national, le cadre européen impose une concurrence libre et non faussée entre les entreprises au sein de l’espace économique européen. Il est possible d’octroyer des aides compatibles avec le marché intérieur, notamment des aides sociales et des aides régionales. Mais, la Commission européenne en est seule juge de la pertinence ou du respect des règles qu'elle édicte. Et elle est très pointilleuse.
Quand la loi française prévoit depuis 2019 que la Corse bénéficie d’un taux de crédit impôt recherche bonifié, la Commission bloque au nom de la libre concurrence. Alors même que le coût budgétaire est estimé à quelques millions d’euros au mieux, une telle mesure est traitée de la même façon qu’une mesure accordant des centaines de millions à certaines industries nationales. Alors que la Corse est un marché géographiquement cloisonné, alors que les entreprises corses dans leur immense majorité ne sont pas présentes sur le marché européen et alors que les entreprises extérieures sont, elles, bien présentes sur le marché corse, plus de souplesse tomberait sous le sens. Surtout pour une mesure susceptible d'engager une dynamique économique différente. La concurrence libre et non faussée ne semble pas conduire à mieux qu'un soutien a minima pour des investissements productifs. On soutien pour éviter la marginalisation, pas pour permettre une rupture de modèle. Aujourd'hui encore, les aides COVID pour les secteurs présentiels sont timides. Le logiciel DGCOMP s'applique alors que la crise sociale est déjà terrible et que les problèmes de concurrence ne se posent pas de la même façon que pour les marchandises ou des services à haute valeur ajoutée.
Le sentiment de déclassement des populations du sud va s'accentuer et n’est pas à prendre à la légère. La crise touristique inévitable de cet été peut enfoncer ces économies dans un nouveau marasme de 10 ans, alors qu'ailleurs le rebond peut se faire de façon insolente. Oui, le tourisme repartira mais le décalage entre les populations et les niveaux de vie sera aussi plus éclatant. Cette ligne de fracture et de frustration me semble un enjeu plus vital pour l'Europe que la lutte de pouvoir entre institutions ordolibérales.