Une démographie qui menace la croissance




Une île qui attire mais qui attire surtout des retraités et des actifs de plus de 35 ans

La croissance de la population de l’île est forte depuis près de 20 ans. Ainsi, entre 1999 et 2008, le nombre de résidents a crû en moyenne de 1,7 % par an. Ce rythme élevé est toutefois inférieur à celui que l’on observe dans les autres îles méditerranéennes (environ +3%/an aux Baléares, +2 % en Sardaigne). Partout, la croissance est principalement alimentée par l’immigration, les taux de fécondité étant trop faibles pour que l’excédent de naissances sur les décès soit important.

Dans le même temps, le vieillissement de la population s’accentue. En Corse, l’immigration est principalement concentrée entre 35 et 70 ans. Comme nous en avons déjà parlé, ceci va s’accompagner de départs à la retraite très important. Ainsi, près de la moitié des actifs, actuellement présents sur le marché du travail, seront à la retraite d’ici à 20 ans. Or, il n’est pas possible de compenser uniquement avec le « stock » de jeunes de moins de 20 ans présents.

À modèle économique inchangé, sans immigration pas de croissance

Selon nos estimations (cf. graphique et explication en bas de page), si plus personne ne rentre ni ne sort, la population en âge de travailler de l’île stagnerait entre 2006 et 2011, reculerait de 3 % par an entre 2012 et 2017, puis reculerait de 3,5 % entre 2018 et 2021. Or, ceci à des implications fortes pour la croissance dite « potentielle » (rythme de croisière de l’économie).

Si la Corse conserve son modèle économique actuel, avec des gains de productivité très faibles (+0,6 % par an en moyenne) et un taux d’emploi faible, la croissance potentielle de l’île tomberait à 0,5 % à partir de 2011. Notez, que ce calcul inclut une hausse du taux d’emploi de 56 % en 2006 à 64 % en 2021, ce qui est particulièrement optimiste aux vues des évolutions entre 1990 et 2006 pour cette statistique.

Pour être clair, l’économie corse – sur son modèle actuelle – ne peut pas absorber le choc démographique qui est devant elle sans immigration. Même si le taux de natalité explosait sur les années à venir, ceci ne changerait rien.Un enfant né en 2010 ne travaillera pas avant 2030 au mieux.

Ceci est dangereux car faire reposer l’avenir économique de l’île sur sa seule capacité à pouvoir attirer et accueillir des travailleurs extérieurs (car bien évidemment pour compenser la perte de population active, l’installation de retraités est peu efficace...) est un choix périlleux. Périlleux car rien n’est éternel et si l’île attire aujourd’hui, rien n’assure que cela reste vrai dans 20 ans.

Une autre solution serait d’opérer un changement structurel

Une autre possibilité consisterait à opérer un changement en profondeur dans l’économie de l’île en faisant remonter le taux d’emploi des femmes et des + de 55 ans. Ces deux catégories sont des réservoirs de travailleurs importants qui permettraient de compenser en partie (en partie seulement) les départs massifs à venir. De plus, la faiblesse de gain de productivité limite la croissance. Pour changer cela il faut introduire plus d’innovation, y compris dans les secteurs « traditionnels » comme la construction ou la distribution.

Toutefois, même si le taux d’emploi arrive jusqu’à 70 % et que la croissance de la productivité passe à 1 % par an, le rythme de croisière de l’économie corse ne dépasserait pas 1,5 % entre 2011 et 2021. Face à l’ampleur du choc démographique, seul un apport migratoire d’une ampleur proche de celui observé depuis 1999 sera à même de créer les conditions pour une croissance forte à horizon 20 ans. (cf. graphique)


S1 : scénario où la dynamique démographique reste la même que sur la période 1999-2006, c'est-à-dire même niveau d’immigration et contenu (retraité et actifs de plus de 35 ans) et même niveau d’émigration pour les jeunes

S2 : scénario où la dynamique démographique est divisée par 2. 2 fois moins d’immigrants et d’émigrants que dans le S1

S3 : pas d’immigration ni d’émigration

Jeudi 5 Novembre 2009
Guillaume Guidoni