best of 2009 (3)




En cette fin d’année, nous vous proposons de retrouver une sélection du meilleur de 2009

En additionnant consommation des ménages et des touristes, le potentiel de consommation de la Corse paraît proprement énorme

A premier regard, le niveau de consommation en Corse est très conséquent. En effet, en considérant que les ménages consomment globalement 12 % de leurs revenus (niveau un peu inférieur à la moyenne française pour tenir compte d’une population plus âgée, donc moins épargnante), les dépenses pèsent près de 4 milliards d’euros (évaluation à partir des données 2006), soit 60 % du PIB de l’île. Du côté des touristes, le chiffre avancé par l’Agence du tourisme donne une dépense touristique sur place autour des 1,3 milliards d’euros (précision : on ne dispose pas de données fiables sur les dépenses touristiques en Corse). On a donc au total de près de 5,3 milliards d’euros de dépenses de consommation, soit près de 80 % du PIB de l’île.

Ce chiffre est très conséquent. Il illustre le rôle prépondérant de la consommation dans les évolutions macroéconomiques de l’île. Les ménages génèrent les trois quarts de la consommation sur place, loin devant les touristes. Or dans l’île, les secteurs produisant des biens consommés (industrie et agroalimentaire) ne pèsent qu’une part marginale de la valeur ajoutée, 4 % en 2007. Cette disproportion amène souvent au constat de l’absence d’une économie de production. Il faudrait profiter plus de cette manne de consommation en faisant émerger dans l’île des secteurs industriels capables de la capter.

Une grande partie de la consommation est une consommation de services

En se référant aux données nationales (on suppose que les habitudes de consommation entre Corse et Continent ne sont pas très différentes, ce qui semble réaliste), les dépenses des ménages sont constituées à 51 % de services et non de biens. Il s’agit par exemple des services de télécommunication, de produits bancaires ou de services immobiliers (loyer). 80 % des services consommés sont produits au plus près du client, donc ils sont déjà capter pour ce qui concerne la Corse.

Pour le reste, l’alimentation pèse 18 % du total, les biens industriels et les produits pétroliers 31 %. Toutefois, comme il est impossible de fabriquer sur place des automobiles ou des biens d’équipement des ménages (ordinateurs, téléviseurs, four…), ou encore d’extraire du pétrole, les dépenses « captables » par une production locale sont limitées à l’alimentaire et les biens de consommation (textile, chaussures, cosmétiques…). Au final, ceci représente seulement 31 % de la consommation des ménages.

Du côté des touristes aussi, la majeure partie des dépenses est constituée de services (hébergement, loisirs, déplacements). Seuls 34 % vont dans l’alimentation (on suppose ici que cela inclut la restauration et les commerces) et 9 % dans des souvenirs. Là encore, la dépense captable pour une production corse est au finale réduite.

Des marges de manœuvre surtout dans l’alimentaire, une bonne nouvelle ?

Ainsi, le marché potentiel pour une production locale se réduit de 5,3 milliards à 1,7 milliards (25 % du PIB). Gardons en tête qu’il s’agit là d’un ordre de grandeur et, surtout, d’une barre haute, les entreprises corses, plutôt positionnées sur des niches, ne pouvant satisfaire l’ensemble des besoins des ménages (compétitivité, puissance marketing, prix…).

Par conséquent, la grande part du marché se réduit à l’alimentation, que ce soit du côté des ménages ou des touristes. Or, les productions agricoles ou agroalimentaires restent en comparaison faibles dans l’économie de l’île, avec seulement 200 millions d’euros pour l’agriculture et 350 millions pour l’agroalimentaire.

Ceci constitue-t-il une bonne nouvelle pour développer une économie de production ? C’est loin d’être certain. Depuis 1990, la tendance est à la réduction du nombre d’exploitations (4 900 en 1990, 2 900 en 2008), à une stagnation de la production alors que la valeur ajoutée recule, soit à une baisse de la rentabilité du secteur. L’avenir est sombre pour l’agriculture (75 % des exploitants actuels vont partir à la retraite dans les 20 ans). Ceci laisse penser que sa capacité à se développer et à investir est faible. Ce serait déjà bien de maintenir le niveau de production actuel. Du côté de l’agroalimentaire, la faiblesse de la production agricole est un vrai nœud gordien, comme l’illustre la question du lait et des fromages « corses ».

Au final, développer une économie de services innovants plutôt que de production

Ainsi, la problématique d’une économie de production capable de capter les flux de consommation dans l’île finit par se réduire à la celle du développement agricole. Par conséquent, et malheureusement, les faits ne sont pas très favorables à cette piste.

Il conviendrait en fait plutôt de se poser la question différemment. Faut-il favoriser la production ou les services ? Au niveau national, la consommation de services des ménages a crû de 85 % entre 1995 et 2008. Celle des biens de seulement +50 %. La même histoire peut se raconter partout en Europe.

Or, grâce à l’évolution des technologies et des modes de consommation, ce sont désormais les services accessibles sur Internet qui connaissent des rythmes de croissance très intéressants. Et la production de ces services peut se faire de n’importe où. Ne nous trompons pas de priorité !

Jeudi 31 Décembre 2009
Guillaume Guidoni