La question du financement bancaire revient assez souvent dans l’île. Il est courant d’entendre que les banques ne prêtent pas assez et que l’épargne corse ne sert pas à financer l’économie locale.
Sur le premier point, il convient de regarder les niveaux de crédits et de dépôts en Corse. En effet, les statistiques disponibles montrent que fin 2008 l’encours de crédit bancaire dans l’économie était de 3 500 millions d’euro (M€), soit environ 48 % du PIB corse. Le crédit prend principalement la forme de crédit logement pour les ménages (2 050 M€), de crédit investissement (900 M€) pour les entreprises et de crédit de trésorerie (440 M€), mélangeant ménages et entreprises. Au niveau des dépôts le montant est plus important, avec près de 5 200 M€ (71 % du PIB).
Or, au niveau national, le crédit bancaire pèse 71 % du PIB et les dépôts 63 %. Dans les autres pays européens, on retrouve partout un excédent des crédits sur les dépôts. En Corse, on a l’inverse. On pourrait donc en conclure que l’île est effectivement sous-alimentée en crédit. En fait, cette interprétation est erronée car ce qui compte n’est pas tant le niveau de crédit que son évolution.
Or, depuis plus de 10 ans la distribution de financement bancaire est très dynamique. Entre 1997 et 2008, les crédits immobiliers progressent de 13 % par an en moyenne et les crédits investissements de 10 % en moyenne. De plus, alors que depuis la fin 2008 le crédit est partout en Europe – y compris en France Continentale – en plein marasme, la progression est restée vigoureuse dans l’île, avec +9,3 % sur un an en septembre 2009 (+0,7 % au niveau national). La résistance surprenante du crédit et la bonne saison touristique ont permis de limiter les impacts de la crise.
L’écart entre crédits et dépôts est en fait le fruit de la grande récession du début des années 90. Les restrictions bancaires au début de cette décennie ont été tellement violentes que leurs séquelles restent présentes près de deux décennies plus tard, même si la situation est depuis radicalement différente.
Concernant le deuxième point, il faut savoir de quel type d’épargne on parle. Les dépôts bancaires (comptes courants et divers livrets, y compris livrets A), soit un peu plus de 5 milliards d’euros comme dit plus haut, n’ont pas d’autre vocation que d’être transformés en crédit par le système bancaires. Il s’agit d’une épargne « sans risque » et à faible rémunération. On est donc très loin du placement en capital dans des entreprises (capital risque).
Le reste, allant dans des instruments plus risqués, peut être évalué autour de 4 milliards d’euros. On se dit que cette épargne pourrait être utile pour financer les entreprises locales. Mais, là encore, les placements se font plutôt sur des instruments financiers « généralistes » (assurance-vie, sicav,…) et non directement comme capital dans les entreprises. Il faut voir que le capital risque est un investissement hautement risqué. Penser retenir une grande part de l’épargne des corses sous cette forme est une utopie.
D’ailleurs, un instrument efficace a déjà été mis en place avec les FIP corses. En 2007 et 2008, près de 22 millions d’euros ont été levés, dont 60 % (13 M€) financeront des entreprises corses. Ces sommes peuvent paraître faibles au regard des milliards évoqués plus haut. Mais, il n’en ait rien, l’investissement direct dans les entreprises étant un placement marginal, en Corse comme ailleurs. Ainsi, proportionnellement, il sera investi en Corse autant d’argent que dans les pays d’Europe les plus performants en termes de capital risque.
On peut regretter que ces FIP n’aient que peu intéressé les corses (90 % de la récolte venant de l’extérieur), mais il est plus important pour le futur de l’île de permettre à des entreprises de se développer sur place que de mégoter sur la provenance de l’argent.
En conclusion, il n’a pas actuellement de crise du financement pour l’économie corse. Le financement bancaire est vigoureux. L’épargne paraît certes peu dirigée vers l’économie locale, mais c’est tout simplement parce que la Corse n’a pas d’instrument financier gérés sur place ni aucune société cotée en bourse. Enfin, pour ce qui du capital risque, l’argent est désormais là, reste à savoir ce qui en sera fait.
Article publié au mois de décembre 2009 dans le magazine Corsica.
Sur le premier point, il convient de regarder les niveaux de crédits et de dépôts en Corse. En effet, les statistiques disponibles montrent que fin 2008 l’encours de crédit bancaire dans l’économie était de 3 500 millions d’euro (M€), soit environ 48 % du PIB corse. Le crédit prend principalement la forme de crédit logement pour les ménages (2 050 M€), de crédit investissement (900 M€) pour les entreprises et de crédit de trésorerie (440 M€), mélangeant ménages et entreprises. Au niveau des dépôts le montant est plus important, avec près de 5 200 M€ (71 % du PIB).
Or, au niveau national, le crédit bancaire pèse 71 % du PIB et les dépôts 63 %. Dans les autres pays européens, on retrouve partout un excédent des crédits sur les dépôts. En Corse, on a l’inverse. On pourrait donc en conclure que l’île est effectivement sous-alimentée en crédit. En fait, cette interprétation est erronée car ce qui compte n’est pas tant le niveau de crédit que son évolution.
Or, depuis plus de 10 ans la distribution de financement bancaire est très dynamique. Entre 1997 et 2008, les crédits immobiliers progressent de 13 % par an en moyenne et les crédits investissements de 10 % en moyenne. De plus, alors que depuis la fin 2008 le crédit est partout en Europe – y compris en France Continentale – en plein marasme, la progression est restée vigoureuse dans l’île, avec +9,3 % sur un an en septembre 2009 (+0,7 % au niveau national). La résistance surprenante du crédit et la bonne saison touristique ont permis de limiter les impacts de la crise.
L’écart entre crédits et dépôts est en fait le fruit de la grande récession du début des années 90. Les restrictions bancaires au début de cette décennie ont été tellement violentes que leurs séquelles restent présentes près de deux décennies plus tard, même si la situation est depuis radicalement différente.
Concernant le deuxième point, il faut savoir de quel type d’épargne on parle. Les dépôts bancaires (comptes courants et divers livrets, y compris livrets A), soit un peu plus de 5 milliards d’euros comme dit plus haut, n’ont pas d’autre vocation que d’être transformés en crédit par le système bancaires. Il s’agit d’une épargne « sans risque » et à faible rémunération. On est donc très loin du placement en capital dans des entreprises (capital risque).
Le reste, allant dans des instruments plus risqués, peut être évalué autour de 4 milliards d’euros. On se dit que cette épargne pourrait être utile pour financer les entreprises locales. Mais, là encore, les placements se font plutôt sur des instruments financiers « généralistes » (assurance-vie, sicav,…) et non directement comme capital dans les entreprises. Il faut voir que le capital risque est un investissement hautement risqué. Penser retenir une grande part de l’épargne des corses sous cette forme est une utopie.
D’ailleurs, un instrument efficace a déjà été mis en place avec les FIP corses. En 2007 et 2008, près de 22 millions d’euros ont été levés, dont 60 % (13 M€) financeront des entreprises corses. Ces sommes peuvent paraître faibles au regard des milliards évoqués plus haut. Mais, il n’en ait rien, l’investissement direct dans les entreprises étant un placement marginal, en Corse comme ailleurs. Ainsi, proportionnellement, il sera investi en Corse autant d’argent que dans les pays d’Europe les plus performants en termes de capital risque.
On peut regretter que ces FIP n’aient que peu intéressé les corses (90 % de la récolte venant de l’extérieur), mais il est plus important pour le futur de l’île de permettre à des entreprises de se développer sur place que de mégoter sur la provenance de l’argent.
En conclusion, il n’a pas actuellement de crise du financement pour l’économie corse. Le financement bancaire est vigoureux. L’épargne paraît certes peu dirigée vers l’économie locale, mais c’est tout simplement parce que la Corse n’a pas d’instrument financier gérés sur place ni aucune société cotée en bourse. Enfin, pour ce qui du capital risque, l’argent est désormais là, reste à savoir ce qui en sera fait.
Article publié au mois de décembre 2009 dans le magazine Corsica.