Tergiversations fiscales sous l’Ancien Régime
Le traité de Versailles de 1768 place la Corse sous la pleine souveraineté effective française. Ce qui implique donc une liberté totale en matière économique ou fiscale. L’article 10 du traité précise que les « conventions particulières, exceptions et prérogatives dont jouissent quelques particuliers ou habitants de l'île seront annulées ». Tous les privilèges accordés par les Génois sont supprimés, notamment les exemptions d’impôts et de taxes individuelles ou bien liées aux statuts des cités comme Bonifacio, Calvi ou encore Saint-Florent. Dans ces domaines, la seule contrainte imposée par Gènes est celle de l’article 15. Le Roi de France peut appliquer en Corse les taxes qu’il souhaite mais il en sera « tenu exactement registre, afin de les déduire de ce que la république sera obligée de payer au roi lorsque Sa Majesté l'aura remise en possession de la Corse ». Gènes envisageant un retour à terme de la Corse dans son giron, les impôts levés dans l’île sont déduits de sa note. Pour ce qui concerne les institutions corses ou les mesures prises par le généralat, les autorités françaises vont globalement les écarter comme nulles et non avenues. La situation est donc assez exceptionnelle par rapport aux provinces françaises. Les anciens cadres et coutumes y ont globalement été préservés ou adaptés. En Corse, la liberté pour administrer l’île est quasiment totale. De plus, l’île reste un territoire à part, un Royaume en union personnelle avec le roi de France.
Les actes matérialisant la prise de contrôle par le Royaume de France de la gestion du pouvoir économique en Corse sont faits rapidement, entre 1768 et fin 1770. Ils visent à marquer le transfert de souveraineté et installer les bases minimales pour une intégration économique. Des ordonnances sont prises dès août 1768 dans le domaine des échanges commerciaux. Les navires passent sous « pavillon François » et la navigation et le commerce de l’île sont réglementés (Ordonnances des 23 et 30 août 1768, Code Corse, Tome 1). Ces ordonnances semblent essentiellement destinées au contrôle des échanges, afin de réduire les flux pouvant soutenir Pasquale Paoli et ses troupes, elles n’imposent ni taxes, ni droits. Les premières charges financières apparaissent dans une ordonnance concernant les droits du Roi prise par le commissaire départi Chardon. Les marchandises alimentaires sont exemptées de droits à l’entrée dans l’île, sauf pour le droit de gabelle de la viande fraîche et du vin de Bastia, héritage du pouvoir génois.
Les marchandises manufacturées produites en France ou en Corse sont aussi exemptées de tout droit à l’entrée ou à la sortie, sous réserve que les navires les transportant soient sous pavillon français. Pour les autres marchandises, notamment agricoles, les droits de sortie sont maintenus mais divisés par deux si les échanges sont faits sous pavillon français et vers un port français. Enfin, les marchandises étrangères sont taxées à 7 % ou 15 % de la valeur à l’entrée. Ces dispositions incitent clairement à orienter les échanges vers la France continentale. Les faire respecter sera plus difficile (Deux ordonnances, en décembre 1769 et avril 1770, soulignent le niveau élevé de fraude et ordonnent des mesures plus strictes concernant la perception des droits, Code Corse, Tome 1). Par rapport aux douanes génoises et corses, ce régime ne change pas grand-chose pour les exportateurs, l’essentiel des marchandises corses étant des produits agricoles ou du vin. Les anciens droits sont maintenus à leur niveau vers l’Italie, premier marché de l’île. En revanche, les exemptions de droits à l’importation pour les marchandises françaises et les produits comestibles sont favorables aux consommateurs, surtout dans une période de conflit militaire qui nuit aux récoltes et aux échanges de grains.
Le cadre douanier mis en place en 1768 est modifié en 1771 dans un sens nettement plus protectionniste pour les productions locales (« Ordonnance de l'Intendant, pour les droits d'Entrée & de Sortie », du 14 décembre 1771, Code Corse, Tome 2). Cette ordonnance est prolongée jusqu’en 1784 moyennant quelques aménagements (exemption de droit d’entrée sur le gros bétail en 1772 ; exemption de droit d’entrée sur les muriers, les arbres fruitiers ou les livres en 1775 ; échanges avec le port franc de Marseille…). Hormis pour les grains non transformés, libres de droit à l’importation d’où qu’ils viennent, les importations sont désormais taxées à 3,75 % quand elles viennent de France ou à 15 % de la valeur à l’entrée quand l’origine est étrangère. Les exportations sont réglementées plus sévèrement, en réservant les sorties de bois pour le seul marché français. Les marchandises agricoles corses sont globalement taxées à 2 % à destinations de la France et à 15 % pour l’étranger, sauf les vins et les châtaignes qui payeront 7,5 % quelle que soit la destination. Ce système met donc fin au libre échange entre la Corse et la France, avec des droits, modérés, dans les deux sens. Cependant, il oriente toujours préférentiellement les flux corses vers le continent français au détriment des échanges avec l’Italie. Toutes les barrières internes sont aussi supprimées, sauf les octrois des villes. En 1784, ces dispositions sont prolongées. Ce système fournit un complément fiscal très important, avec environ 180 mille livres perçues en 1784 (160 000 livres en 1777).
A la veille de la Révolution, la Corse a amorcé une mutation économique. Elle est lente, en partie endogène et en partie liée à une volonté de l’Etat royal de mettre en œuvre son agenda d’absolutisme éclairé. Elle s’accompagne de la mise en place de nouvelles structures socio-économiques s’inspirant – plus formellement que réellement – des physiocrates. Sur le commerce extérieur, dans les doléances du tiers-état envoyées à Versailles, la liberté du commerce avec la France est demandée, avec la suppression des droits de douanes. En revanche, un relèvement des droits sur les importations étrangères est souhaité. Le système douanier est peu critiqué.
Les actes matérialisant la prise de contrôle par le Royaume de France de la gestion du pouvoir économique en Corse sont faits rapidement, entre 1768 et fin 1770. Ils visent à marquer le transfert de souveraineté et installer les bases minimales pour une intégration économique. Des ordonnances sont prises dès août 1768 dans le domaine des échanges commerciaux. Les navires passent sous « pavillon François » et la navigation et le commerce de l’île sont réglementés (Ordonnances des 23 et 30 août 1768, Code Corse, Tome 1). Ces ordonnances semblent essentiellement destinées au contrôle des échanges, afin de réduire les flux pouvant soutenir Pasquale Paoli et ses troupes, elles n’imposent ni taxes, ni droits. Les premières charges financières apparaissent dans une ordonnance concernant les droits du Roi prise par le commissaire départi Chardon. Les marchandises alimentaires sont exemptées de droits à l’entrée dans l’île, sauf pour le droit de gabelle de la viande fraîche et du vin de Bastia, héritage du pouvoir génois.
Les marchandises manufacturées produites en France ou en Corse sont aussi exemptées de tout droit à l’entrée ou à la sortie, sous réserve que les navires les transportant soient sous pavillon français. Pour les autres marchandises, notamment agricoles, les droits de sortie sont maintenus mais divisés par deux si les échanges sont faits sous pavillon français et vers un port français. Enfin, les marchandises étrangères sont taxées à 7 % ou 15 % de la valeur à l’entrée. Ces dispositions incitent clairement à orienter les échanges vers la France continentale. Les faire respecter sera plus difficile (Deux ordonnances, en décembre 1769 et avril 1770, soulignent le niveau élevé de fraude et ordonnent des mesures plus strictes concernant la perception des droits, Code Corse, Tome 1). Par rapport aux douanes génoises et corses, ce régime ne change pas grand-chose pour les exportateurs, l’essentiel des marchandises corses étant des produits agricoles ou du vin. Les anciens droits sont maintenus à leur niveau vers l’Italie, premier marché de l’île. En revanche, les exemptions de droits à l’importation pour les marchandises françaises et les produits comestibles sont favorables aux consommateurs, surtout dans une période de conflit militaire qui nuit aux récoltes et aux échanges de grains.
Le cadre douanier mis en place en 1768 est modifié en 1771 dans un sens nettement plus protectionniste pour les productions locales (« Ordonnance de l'Intendant, pour les droits d'Entrée & de Sortie », du 14 décembre 1771, Code Corse, Tome 2). Cette ordonnance est prolongée jusqu’en 1784 moyennant quelques aménagements (exemption de droit d’entrée sur le gros bétail en 1772 ; exemption de droit d’entrée sur les muriers, les arbres fruitiers ou les livres en 1775 ; échanges avec le port franc de Marseille…). Hormis pour les grains non transformés, libres de droit à l’importation d’où qu’ils viennent, les importations sont désormais taxées à 3,75 % quand elles viennent de France ou à 15 % de la valeur à l’entrée quand l’origine est étrangère. Les exportations sont réglementées plus sévèrement, en réservant les sorties de bois pour le seul marché français. Les marchandises agricoles corses sont globalement taxées à 2 % à destinations de la France et à 15 % pour l’étranger, sauf les vins et les châtaignes qui payeront 7,5 % quelle que soit la destination. Ce système met donc fin au libre échange entre la Corse et la France, avec des droits, modérés, dans les deux sens. Cependant, il oriente toujours préférentiellement les flux corses vers le continent français au détriment des échanges avec l’Italie. Toutes les barrières internes sont aussi supprimées, sauf les octrois des villes. En 1784, ces dispositions sont prolongées. Ce système fournit un complément fiscal très important, avec environ 180 mille livres perçues en 1784 (160 000 livres en 1777).
A la veille de la Révolution, la Corse a amorcé une mutation économique. Elle est lente, en partie endogène et en partie liée à une volonté de l’Etat royal de mettre en œuvre son agenda d’absolutisme éclairé. Elle s’accompagne de la mise en place de nouvelles structures socio-économiques s’inspirant – plus formellement que réellement – des physiocrates. Sur le commerce extérieur, dans les doléances du tiers-état envoyées à Versailles, la liberté du commerce avec la France est demandée, avec la suppression des droits de douanes. En revanche, un relèvement des droits sur les importations étrangères est souhaité. Le système douanier est peu critiqué.
Révolution et Empire : la douane dans tous les états
La question des droits de douanes s'avère d'emblée problématique. Les droits sont théoriquement supprimés entre 1789 et 1790, la Corse étant formellement intégrée au royaume de France et les barrières internes étant abolies. Avec 180 000 livres par an, ils sont pourtant essentiels pour réduire le déficit de l’État en Corse, estimé entre 200 000 et 300 000 livres par an pour les dépenses civiles. Théoriquement supprimés, les droits d’entrée et de sortie entre la France et la Corse sont donc perçus comme avant dans l’île. Le système de l'Ancien Régime est maintenu par les autorités du département, présidé par Pasquale Paoli. Le sujet est budgétaire mais aussi stratégique.
La Corse, mal contrôlée, est sujette à la contrebande. La loi du 4 germinal an II (24 mars 1794) avait cherché à interdire tout trafic de la Corse avec l'étranger mais la Corse n’était plus française à ce moment là. D’ailleurs, la définition d’un régime douanier fait partie des toutes premières décisions du Royaume anglo-corse (libre-échange avec le Royaume-Uni, détaxe à l’entrée des produits alimentaires d’où qu’ils viennent et droits de sortie réduits pour le vin, l’huile et les grains). Le retour sous la souveraineté française va provoquer un moment de flottement.
De 1796 à 1802, La Corse est considérée comme une terre étrangère sur le plan douanier. Les marchandises entrantes ou sortantes sont soumises au tarif général, avec quelques ajustements pris par l’administrateur général Miot. Un arrêté du Directoire du 5 Fructidor an VI (22 août 1798) souligne qu’en attendant que le corps législatif décide « si la Corse sera soumise aux lois de la République française, relativement au régime des douanes, ou si elle continuera à être traitée comme l'étranger, dans ses relations commerciales », l’administration applique des mesures pour interdire aux bâtiments étrangers de transporter des denrées, productions ou marchandises entre la Corse et la France. Les importations indirectes sont aussi interdites. Après une longue attente, le 6 Prairial an X (26 mai 1802) la Corse est pleinement intégrée à l’espace douanier français et soumise aux mêmes lois. Plus de droits pour les échanges Corse-France, sous réserve d’une preuve d’origine.
Mais, le 12 juillet 1808, il est à nouveau mis fin à l'assimilation douanière. Le changement de cap est complet, les marchandises corses étant à nouveau traitées comme étrangères dans les ports français et soumises au tarif général. L’exclusion du bénéfice de l’accès libre au marché national est alors surtout justifié par la lutte contre la contrebande triangulaire. Ce régime restreint assez significativement le commerce avec la France mais n’est pas sans avantage pour les Corses. Les douanes sont supprimées dans l’île. Les importations d’où qu‘elles viennent ou exportations vers l’Italie (sauf pour les départements italiens intégrés à l’Empire) sont alors libres de droits. Cela réduit significativement les droits indirects frappant la consommation. Le régime est aménagé par un décret impérial du 24 avril 1811, avec une franchise de droits pour les exportations agricoles de la Corse vers la France, soit l’essentiel du commerce corse de l’époque (huile d'olive, miel, amandes, châtaignes, noix, cédrats, citrons, oranges, cire jaune non ouvrée, cuirs de bœufs et de vache secs en poil, vins).
Ces évolutions successives montrent que la Corse, française formellement depuis 1789, reste un territoire mal intégré à l’ensemble national. La gestion unitaire est peu adaptée aux particularismes. Une succession de sécessions (1794-1796, 1814), d’insurrections (1797-1800, 1811) et de révoltes (1793, 1800, 1808, 1813) illustre un rejet persistant des Corses. La faible prise sur l’île nécessite le maintien d’une force militaire importante pour affermir le contrôle des autorités françaises. Acculée, la politique française s’aligne sur celle de l’Ancien Régime, alliant la mise en place d’une fiscalité douce, bénéficiant surtout aux plus aisés, et un autoritarisme dans la gestion.
La Corse, mal contrôlée, est sujette à la contrebande. La loi du 4 germinal an II (24 mars 1794) avait cherché à interdire tout trafic de la Corse avec l'étranger mais la Corse n’était plus française à ce moment là. D’ailleurs, la définition d’un régime douanier fait partie des toutes premières décisions du Royaume anglo-corse (libre-échange avec le Royaume-Uni, détaxe à l’entrée des produits alimentaires d’où qu’ils viennent et droits de sortie réduits pour le vin, l’huile et les grains). Le retour sous la souveraineté française va provoquer un moment de flottement.
De 1796 à 1802, La Corse est considérée comme une terre étrangère sur le plan douanier. Les marchandises entrantes ou sortantes sont soumises au tarif général, avec quelques ajustements pris par l’administrateur général Miot. Un arrêté du Directoire du 5 Fructidor an VI (22 août 1798) souligne qu’en attendant que le corps législatif décide « si la Corse sera soumise aux lois de la République française, relativement au régime des douanes, ou si elle continuera à être traitée comme l'étranger, dans ses relations commerciales », l’administration applique des mesures pour interdire aux bâtiments étrangers de transporter des denrées, productions ou marchandises entre la Corse et la France. Les importations indirectes sont aussi interdites. Après une longue attente, le 6 Prairial an X (26 mai 1802) la Corse est pleinement intégrée à l’espace douanier français et soumise aux mêmes lois. Plus de droits pour les échanges Corse-France, sous réserve d’une preuve d’origine.
Mais, le 12 juillet 1808, il est à nouveau mis fin à l'assimilation douanière. Le changement de cap est complet, les marchandises corses étant à nouveau traitées comme étrangères dans les ports français et soumises au tarif général. L’exclusion du bénéfice de l’accès libre au marché national est alors surtout justifié par la lutte contre la contrebande triangulaire. Ce régime restreint assez significativement le commerce avec la France mais n’est pas sans avantage pour les Corses. Les douanes sont supprimées dans l’île. Les importations d’où qu‘elles viennent ou exportations vers l’Italie (sauf pour les départements italiens intégrés à l’Empire) sont alors libres de droits. Cela réduit significativement les droits indirects frappant la consommation. Le régime est aménagé par un décret impérial du 24 avril 1811, avec une franchise de droits pour les exportations agricoles de la Corse vers la France, soit l’essentiel du commerce corse de l’époque (huile d'olive, miel, amandes, châtaignes, noix, cédrats, citrons, oranges, cire jaune non ouvrée, cuirs de bœufs et de vache secs en poil, vins).
Ces évolutions successives montrent que la Corse, française formellement depuis 1789, reste un territoire mal intégré à l’ensemble national. La gestion unitaire est peu adaptée aux particularismes. Une succession de sécessions (1794-1796, 1814), d’insurrections (1797-1800, 1811) et de révoltes (1793, 1800, 1808, 1813) illustre un rejet persistant des Corses. La faible prise sur l’île nécessite le maintien d’une force militaire importante pour affermir le contrôle des autorités françaises. Acculée, la politique française s’aligne sur celle de l’Ancien Régime, alliant la mise en place d’une fiscalité douce, bénéficiant surtout aux plus aisés, et un autoritarisme dans la gestion.
Restauration et Second Empire : particularisme et normalisation
Alors que la Corse connaît un essor agricole et industriel, certes lent, le régime douanier spécifique de la Corse ne joue pas le rôle négatif qu’on lui a souvent prêté. Même pendant la période la plus stricte (1808-1811), la Corse continue d’exporter vers le continent français des produits agricoles (peaux et cuirs, cire, huile, bois à brûler). Mais les échanges sont très faibles. Dans les toutes premières années de la Restauration, la situation de la Corse paraît anormale et bien trop pénalisante. L’Etat procède à une remise à plat suivant trois principes : éviter la contrebande et la réexportation, limiter les effectifs de douaniers – donc le coût de la collecte des droits – et limiter le coût des importations pour une population jugée pauvre. En 1816, un service régulier de douanes est réinstallé dans l’île, huit années après sa suppression. Sur les trois principes précédents, une ordonnance royale du 18 octobre 1817 puis la loi du 21 Avril 1818 fixe le statut douanier de la Corse. Il restera globalement en place jusqu’en 1912.
Dans ce régime, les droits de douanes sur les importations restent nuls sur les importations en provenance de France, ce qui ne change rien sur ce plan. En revanche, les importations étrangères sont à nouveau soumises au paiement de droits d’entrée. Les produits agro-alimentaires (animaux vivants, poissons, pâtes d'Italie, riz, légumes secs, fromages, porcs salés, sucres et tabacs), le minerai de fer (celui de l’île d’Elbe alimente les fonderies bastiaises) et les textiles bénéficient de droits réduits par rapport au tarif général national. Le reste est soumis à plein tarif. Pour les exportations vers la France, les produits du sol (produits agricoles et forestiers sauf l’huile d’olive) sont exemptés de droit de douanes, le reste doit payer le tarif général. Les débat de 1818 à la Chambre de députés soulignent que la Corse n’étant pas jugée comme capable de produire des biens manufacturés, les marchandises en sortant à destination de la France sont nécessairement des réexportations et doivent donc être soumises au tarif général. Pour le député Castelli « quels objets peuvent sortir de la Corse pour venir en France ? Ce ne sont pas des objets manufacturés : il n'y a pas de manufactures dans cette île ; il ne peut en sortir que des produits du sol ». Pour les exportations vers l’étranger, les droits de sortie sont réduits sur le bois, les châtaignes et les feuilles de myrte. Ce système est un nouveau compromis entre : l’assimilation complète, jugée impossible pour des raisons pratiques ; des particularités locales comme les habitudes alimentaires ; la nécessité de contrôle.
Le statut douanier de la Corse va ensuite accompagner l’essor industriel et commercial de l’île. Il est régulièrement aménagé pour assouplir le cadre des échanges entre la Corse et le continent français. Le système de franchise (tarif douanier à 0 %) déjà en place sur les produits du sol est étendu. La loi du 17 mai 1826 ajoute l’huile d’olive à la liste des produits en franchise de droits à l’entrée en France continentale et les droits sont réduits sur les animaux vivants. En 1835 et 1836, encore à l’occasion d’une volonté de répression de la contrebande (les échanges sont concentrés sur certains ports pour mieux les contrôler), il est mis en place un système plus large sur les franchises de droits pour les « produits du sol et les produits des fabriques ». Une liste de produits en franchise est établie (en plus des produits agricoles, la franchise concerne : « Brai sec, Chanvre et lin teillés et peignés, Eau-de-vie de baie d'arbousier, Fer étiré, Fontes en masses pesant plus de vingt-cinq kilogr., Goudron, Groisil, Poissons de mer salés dans les ateliers situés à la résidence des receveurs des douanes, Potasses, Soies gréges, Soude naturelle, Tartre brut, Marbres sciés »), pour lesquels des certificats d’origine sont demandés. Au cours des années suivantes, dès que la loi apparaît restrictive pour le commerce corse, elle change (Loi du 17 mai 1826, Ordonnances Loi du 26 Juin 1835, loi du 6 Mai 1841, loi du 26 Juillet 1856, loi du 18 Avril 1857, loi du 18 Juin 1859, loi du 6 Mai 1863… De nombreux actes administratifs autorisent aussi certains produits en dehors du cadre prévu par la loi : décret impérial du 20 octobre 1853 étendant la franchise au brocciu ou décret impérial du 15 janvier 1862 pour les bouchons de liège...). Ce régime n’est pas le plus simple mais la franchise libéralise dans la pratique les échanges de la Corse vers la France. La liste de 1866 couvre tous les animaux vivants, y compris… les sangsues. Y sont inscrits les produits issus de l’élevage, de la pêche, les farines de toutes sortes, les fruits et légumes, le vin, le tabac en feuilles destinés à la Régie des tabacs, les graines. Mais aussi le bois, le marbre, les minerais extraits en Corse (cuivre, amiante, antimoine, plomb). Et, les produits fabriqués tirés de l’industrie du bois, de l’industrie métallurgique, de l’industrie textile, de l’agroalimentaire.
Si le système est lourd, notamment au niveau des certificats d’origine (les conseillers généraux de la Corse émettent une demande de suppression en 1868), le libre-échange Corse-Continent français est donc complet dans les faits sinon en droit. D’après les relevés de commerce extérieur disponibles, les exportations vers le continent français sont en valeur d’environ 1 million de francs en moyenne entre 1821 et 1827, 4 millions sur 1850-1857, 8 millions sur 1860-1866 pour atteindre 10 millions au tout début de la décennie suivante. Vers l’étranger, on navigue entre 3 et 4 millions en fin de période (1 millions au début des années 1850). L’inflation étant quasi-nulle à cette période, la dynamique est réelle à l’exportation. La balance des échanges reste négative, les importations du continent français représentant en moyenne 2 fois les montants exportés. La balance est positive avec l’étranger jusqu’à la fin du Second Empire.
Plus largement, le protectionnisme français en place jusqu’au années 1860 maintien la compétitivité-prix des productions corses, à la fois sur les marchés locaux et à l’exportation vers la France continentale (4/5e des exportations). Le tarif général reste élevé, voire prohibitif sur certains produits agricoles ou industriels méditerranéens concurrents. Cette situation perdure jusqu’à la signature des premiers traités de libre-échange avec le Royaume-Uni (1860) puis les autres états européens , notamment l’Italie (1863). Mais la baisse des tarifs douaniers n’est pas sans intérêt pour la Corse. Le traité avec l’Italie permet de stimuler les exportations de la Corse vers la péninsule, avec un impact de près de 2,5 millions de francs annuels supplémentairement.
Le régime douanier de la Corse ne constitue donc pas une barrière structurelle au développement industriel de la Corse. Les marchandises produites pour l’exportation vers le continent français ne sont pas taxées au titre des douanes. En revanche, il est plus difficile de juger de l’effet inhibant que peut avoir sur le développement d’une nouvelle activité produisant de biens non inscrits sur la liste des produits en franchise. Si les demandes d’ajout à la liste aboutissent très régulièrement, les délais de traitement existent évidemment, de même que les allers-retours administratifs entre la préfecture de Corse et le ministère du commerce. Le régime peut limiter la création de nouvelles activités, donc l’innovation.
Dans ce régime, les droits de douanes sur les importations restent nuls sur les importations en provenance de France, ce qui ne change rien sur ce plan. En revanche, les importations étrangères sont à nouveau soumises au paiement de droits d’entrée. Les produits agro-alimentaires (animaux vivants, poissons, pâtes d'Italie, riz, légumes secs, fromages, porcs salés, sucres et tabacs), le minerai de fer (celui de l’île d’Elbe alimente les fonderies bastiaises) et les textiles bénéficient de droits réduits par rapport au tarif général national. Le reste est soumis à plein tarif. Pour les exportations vers la France, les produits du sol (produits agricoles et forestiers sauf l’huile d’olive) sont exemptés de droit de douanes, le reste doit payer le tarif général. Les débat de 1818 à la Chambre de députés soulignent que la Corse n’étant pas jugée comme capable de produire des biens manufacturés, les marchandises en sortant à destination de la France sont nécessairement des réexportations et doivent donc être soumises au tarif général. Pour le député Castelli « quels objets peuvent sortir de la Corse pour venir en France ? Ce ne sont pas des objets manufacturés : il n'y a pas de manufactures dans cette île ; il ne peut en sortir que des produits du sol ». Pour les exportations vers l’étranger, les droits de sortie sont réduits sur le bois, les châtaignes et les feuilles de myrte. Ce système est un nouveau compromis entre : l’assimilation complète, jugée impossible pour des raisons pratiques ; des particularités locales comme les habitudes alimentaires ; la nécessité de contrôle.
Le statut douanier de la Corse va ensuite accompagner l’essor industriel et commercial de l’île. Il est régulièrement aménagé pour assouplir le cadre des échanges entre la Corse et le continent français. Le système de franchise (tarif douanier à 0 %) déjà en place sur les produits du sol est étendu. La loi du 17 mai 1826 ajoute l’huile d’olive à la liste des produits en franchise de droits à l’entrée en France continentale et les droits sont réduits sur les animaux vivants. En 1835 et 1836, encore à l’occasion d’une volonté de répression de la contrebande (les échanges sont concentrés sur certains ports pour mieux les contrôler), il est mis en place un système plus large sur les franchises de droits pour les « produits du sol et les produits des fabriques ». Une liste de produits en franchise est établie (en plus des produits agricoles, la franchise concerne : « Brai sec, Chanvre et lin teillés et peignés, Eau-de-vie de baie d'arbousier, Fer étiré, Fontes en masses pesant plus de vingt-cinq kilogr., Goudron, Groisil, Poissons de mer salés dans les ateliers situés à la résidence des receveurs des douanes, Potasses, Soies gréges, Soude naturelle, Tartre brut, Marbres sciés »), pour lesquels des certificats d’origine sont demandés. Au cours des années suivantes, dès que la loi apparaît restrictive pour le commerce corse, elle change (Loi du 17 mai 1826, Ordonnances Loi du 26 Juin 1835, loi du 6 Mai 1841, loi du 26 Juillet 1856, loi du 18 Avril 1857, loi du 18 Juin 1859, loi du 6 Mai 1863… De nombreux actes administratifs autorisent aussi certains produits en dehors du cadre prévu par la loi : décret impérial du 20 octobre 1853 étendant la franchise au brocciu ou décret impérial du 15 janvier 1862 pour les bouchons de liège...). Ce régime n’est pas le plus simple mais la franchise libéralise dans la pratique les échanges de la Corse vers la France. La liste de 1866 couvre tous les animaux vivants, y compris… les sangsues. Y sont inscrits les produits issus de l’élevage, de la pêche, les farines de toutes sortes, les fruits et légumes, le vin, le tabac en feuilles destinés à la Régie des tabacs, les graines. Mais aussi le bois, le marbre, les minerais extraits en Corse (cuivre, amiante, antimoine, plomb). Et, les produits fabriqués tirés de l’industrie du bois, de l’industrie métallurgique, de l’industrie textile, de l’agroalimentaire.
Si le système est lourd, notamment au niveau des certificats d’origine (les conseillers généraux de la Corse émettent une demande de suppression en 1868), le libre-échange Corse-Continent français est donc complet dans les faits sinon en droit. D’après les relevés de commerce extérieur disponibles, les exportations vers le continent français sont en valeur d’environ 1 million de francs en moyenne entre 1821 et 1827, 4 millions sur 1850-1857, 8 millions sur 1860-1866 pour atteindre 10 millions au tout début de la décennie suivante. Vers l’étranger, on navigue entre 3 et 4 millions en fin de période (1 millions au début des années 1850). L’inflation étant quasi-nulle à cette période, la dynamique est réelle à l’exportation. La balance des échanges reste négative, les importations du continent français représentant en moyenne 2 fois les montants exportés. La balance est positive avec l’étranger jusqu’à la fin du Second Empire.
Plus largement, le protectionnisme français en place jusqu’au années 1860 maintien la compétitivité-prix des productions corses, à la fois sur les marchés locaux et à l’exportation vers la France continentale (4/5e des exportations). Le tarif général reste élevé, voire prohibitif sur certains produits agricoles ou industriels méditerranéens concurrents. Cette situation perdure jusqu’à la signature des premiers traités de libre-échange avec le Royaume-Uni (1860) puis les autres états européens , notamment l’Italie (1863). Mais la baisse des tarifs douaniers n’est pas sans intérêt pour la Corse. Le traité avec l’Italie permet de stimuler les exportations de la Corse vers la péninsule, avec un impact de près de 2,5 millions de francs annuels supplémentairement.
Le régime douanier de la Corse ne constitue donc pas une barrière structurelle au développement industriel de la Corse. Les marchandises produites pour l’exportation vers le continent français ne sont pas taxées au titre des douanes. En revanche, il est plus difficile de juger de l’effet inhibant que peut avoir sur le développement d’une nouvelle activité produisant de biens non inscrits sur la liste des produits en franchise. Si les demandes d’ajout à la liste aboutissent très régulièrement, les délais de traitement existent évidemment, de même que les allers-retours administratifs entre la préfecture de Corse et le ministère du commerce. Le régime peut limiter la création de nouvelles activités, donc l’innovation.
IIIe et IVe République : fin du particularisme et assimilation douanière
Même si une normalisation fiscale s'opère en Corse, la Corse bénéficie jusqu’en 1897 toujours de spécificités importantes : des droits d’enregistrement réduit (arrêtés Miot de 1802), des droits de douanes réduits sur certaines importations et l’absence de perception des contributions indirectes liée au statut départemental adopté en 1811 et resté inchangé depuis (il s’agit essentiellement des taxes sur les alcools. La taxe de consommation sur les sels ou celle sur le sucre continue est perçue par l’administration des douanes). Ce régime spécial permet à la Corse de réduire d’environ 2 M fr. son imposition à la fin du XIXe siècle, dont environ 1 M pour les contributions indirectes (estimation à partir des droits payés dans les départements proche en termes de taille).
Dans le budget 1897, le gouvernement propose de mettre fin aux taxes réduites sur les droits d’enregistrement et sur les importations. L’ensemble est évalué à 654 000 francs. Cela soulève une forte opposition dans l’île. Les élus départementaux et les députés se saisissent du sujet et plaident avec vigueur pour le maintien des droits réduits sur les successions. En août 1896, les conseillers généraux adoptent à l’unanimité le vœu suivant :
« Que le régime spécial d'impôts sous lequel la Corse se trouve placée et qui est justifié par sa pauvreté, sa misère croissante, son éloignement de la mère-patrie et la crise agricole et industrielle qu'elle traverse, ne subisse aucune atteinte;
Que les représentants et M. le Préfet de la Corse insistent auprès du Gouvernement pour que les arrêtés Miot soient maintenus dans leur intégralité ;
Que, subsidiairement, au cas où M. le Ministre des Finances ne pourrait faire à moins que d'accroître les charges déjà trop lourdes qui pèsent sur notre pays, il propose au Parlement de faire supporter cette augmentation d'impôts sur les alcools importés en Corse et non sur les droits d'enregistrement et de timbre, ou sur certaines denrées coloniales de première nécessité ».
Dans la défense des droits réduits sur les successions, très fortement soutenus par les notables principaux bénéficiaires de la mesure, un troc est proposé explicitement : succession contre contributions indirectes. La santé publique ou le soutien la filière viticole locale (les volumes importés restent pourtant faibles : 18 100 hectolitres de vins importés en 1895, dont 13 000 hectolitres de vins étrangers) sont mis en avant. En revanche, les débats ne font pas apparaître le coût que ce troc implique. Retirant son projet, le gouvernement saisit au bond l’occasion et fait adopter le 29 mars 1897 une taxe sur la consommation des alcools en Corse (article 6 de la loi du 30 mars 1897 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1897 et décret du 27 janvier 1898 portant règlement d'administration publique et fixant les conditions de perception du droit de consommation en Corse). Les contributions indirectes n’étant toujours pas perçue dans l’île, se sont les Douanes qui sont chargées de sa perception. Une fois passés une période de flambée pour les importations, visant à anticiper la mise en place du nouveau régime, la taxe sur les alcools rapporte autour de 500 000 francs. Cette première réduction des particularités fiscales produit presque le même montant que celui estimé en 1896 mais à travers un impôt indirect, non proportionnel et non progressif à la différence des droits de succession. Le consommateur paie à la place du propriétaire.
Un nouvel alignement fiscal arrive à l’orée de la Grande Guerre. En 1908, à la suite de l’un des plus célèbres rapports fait sur la situation économique de la Corse, le pouvoir central se penche plus spécifiquement sur la situation de l’île. Ce rapport est celui de Georges Clemenceau, alors Président du Conseil et ministre de l’intérieur. Il n’avait pas pour objet de justifier des mesures ou une action à entreprendre de la part du gouvernement mais à illustrer le problème corse. Au-delà d’un ton souvent condescendant, très désagréable pour un lecteur du XXIe siècle, il demandait la création d’une « commission extraparlementaire et interministérielle chargée d'étudier la situation actuelle de la Corse ». Cette commission devant apporter des réponses à la situation de « crise économique et financière » que Clemenceau dénonce.
Après une introduction sociologique et historique, le rapport note sur la partie économique de « la pauvreté du pays est extrême. Rien de comparable. Ni la Bretagne, ni les Hautes-Alpes, ni peut-être aucun pays d’Europe ne peuvent donner une idée du dénuement actuel de la Corse. Dans la plupart des villages, on ne connaît pas d'autre viande que le porc. Peu de légumes. Le pain et le fromage de chèvre constituent l'élément essentiel de la nourriture. Le Corse vit avec quelques sous par jour ». Il est ajouté que les échanges économiques sont « rares », que l’industrie est absente, même si, avec moins d’un millier d’ouvriers les grèves sont incessantes. L’impôt rentre mal et les finances publiques locales sont jugées exsangues. L’effort de l’Etat est important mais surtout concentré sur les mesures d’assistance mises en place à partir des années 1880 dans toute la France. Toutefois, malgré ce constat assez cataclysmique, le rapport Clémenceau ne propose que des pistes assez peu radicales en termes de mesures publiques : assainissement des plaines, amélioration des routes et du chemin de fer et surtaxe sur l’alcool pour remettre les finances locales à flot.
Ce rapport n’est pas très différent dans son analyse de celui de d’Adolphe Blanqui, présenté presque 70 ans plus tôt devant l’Institut royal de France (Adolphe Blanqui, « Rapport sur l'état économique et moral de la Corse en 1838 »). Ce célèbre économiste du XIXe siècle, inventeur probable de l’expression « révolution industrielle », posait notamment une question grave : « comment donc se fait-il que la Corse, si heureusement partagée sous le rapport du climat, du sol et des eaux, située au centre de la Méditerranée, à portée presque égale de la France, de l'Italie et de l'Espagne, ressemble aujourd'hui si peu aux pays qui l'entourent, et marche d'un pas si lent dans la carrière de la civilisation ? ». Suit un développement historique sur l’oppression des anciens maîtres et la générosité de la France, « qui a gouverné ce pays pour lui-même, pour le civiliser, non pour ne le pressurer ni le vendre, comme avaient fait ses anciens dominateurs ». Mais, le manque d’infrastructures, un territoire fragmenté, un intérieur « incompatible avec le progrès des richesses », l’insalubrité en plaine et une sécurité mal assurée par l’Etat plombent le dynamisme de l’île. Adolphe Blanqui note aussi un retard dans l’instruction publique, un désordre dans les titres de propriété ou sous-investissement dans l’agriculture et aussi l’industrie. Le manque de capital et la pauvreté de la masse des habitants empêchaient le développement de cultures, comme l’olivier qui nécessite un investissement initial important et un temps long avant maturité. Les points communs sont nombreux entre les deux rapports : constat d’un sous-développement chronique, de retard en termes de sécurité, de désorganisation politique, particularismes jugés rétrogrades voire dangereux. Selon G. Clemenceau, « des mœurs, des habitudes si différentes des nôtres ne peuvent coexister avec notre état social sans dommages pour la Corse et pour le pays entier ».
Certaines observations sont évidemment très contestables. Au sein de la population masculine à l’instruction, l’armée relève 3,6 % d’analphabètes et 11,6 % de jeunes sans instruction primaire développée, contre respectivement 3,0 % et 31,7 % pour l’ensemble de la France (annuaire statistique de 1911, données pour 1910). L’agriculture présente bien une situation de crise et des rendements sensiblement inférieurs aux autres départements mais elle produits encore en 1908 des céréales, du vin mais aussi des légumes et des viandes. Comme souligné précédemment, la situation économique est peu satisfaisante mais en rien catastrophique au début du XXe siècle. Les exportations agricoles sont solides jusqu’à la guerre de 1914-18, voire augmentent.
Plus largement, les statistiques disponibles montrent une reprise en cours à partir du milieu des années 1900. Les prix pratiqués pour les aliments sont dans la moyenne des prix de province, voire sensiblement inférieur pour les viandes. Les salaires pratiqués dans l’industrie et l’agriculture ne sont pas sensiblement en décalage par rapport à ces prix ou par rapport à d’autres départements périphériques. Rien ne justifie que les Corses ne consomment « pas d'autre viande que le porc » à cette époque. Les enquêtes agricoles contredisent d’ailleurs cette observation. Le tableau est volontairement noirci pour se conformer aux préjugés très négatifs du personnel politique et administratif parisien et ainsi justifier une action dans l’île. Les impôts rentrent bien, avec des progressions nettement supérieures à celles observées en moyenne et la fin d’exemption. Ramené au nombre d’habitant les recettes fiscales hors exemption perçues par l’Etat ne sont pas très différentes de celles perçues dans en Basses-Alpes, en Hautes-Alpes, en Ariège ou en Lozère. La position n’est certes pas très positive mais il n’y a pas de décalage si important avec d’autres départements ruraux à très faible industrie. A cause ou grâce à cette tonalité très politique, le rapport Clemenceau déclenche une action sur plusieurs fronts. Quasiment immédiatement, le budget du département de Corse est fortement augmenté, à 2,4 millions fr. en 1908 puis 2,7 millions fr. en 1910 par des aides directes de l’Etat (1904 : 1,3 M fr.).
Ensuite, conformément à la demande du rapport Clemenceau, une commission spécifique se met en place (Commission extraparlementaire et interministérielle présidée par M. Delannay et chargée d’étudier la situation actuelle de la Corse formée à la suite du rapport de 1908 de G. Clemenceau, Président du Conseil, Ministre de l’intérieur et dont les conclusions furent publiées en 1909). Un nouveau rapport est rendu public en 1909 et propose plusieurs pistes dans les domaines de l’agriculture, des transports, de la fiscalité (notamment une assimilation douanière) ou bien du statut des fonctionnaires (notamment, il est proposé à trois reprises la mise en place d’« avantages spéciaux pour les personnels envoyés en Corse »).
Il est difficile de dire dans quelle mesure les demandes de nature réglementaire – ne nécessitant pas de passer devant l’Assemblée nationale – ont été suivies par le gouvernement. En revanche, les éléments législatifs ont reçu peu d’écho de la part du gouvernement. Seule subsistera une réforme de la réglementation douanière appliquée depuis 1818 à la Corse. Absente dans le rapport Clemenceau, les critiques adressés au « statut douanier » dans le rapport Delannay sont fortes (« si l'industrie et le commerce sont restés en Corse à 1'état embryonnaire la cause en est principalement au régime douanier et tant que le même régime subsistera on est exposé à voir échouer toutes les tentatives qui pourraient être faites pour obtenir dans l'île des produits autres que les produits naturels ou même pour mettre en oeuvre certains de ces derniers »). Comme souligné précédemment, il est évident que le système de certificat d’origine n’est ni le plus simple, ni le plus rapide et encore moins un signal d’intégration économique. Toutefois, affirmer qu’« à part certaines exceptions, [les exportations de la Corse] sont atteints, à leur entrée dans les ports du continent de droits parfois plus élevés que ceux qui sont payés par les marchandises étrangères de la même espèce » est faux. Une franchise est accordée pour la quasi-totalité des productions locales expédiées de Corse vers le continent français, ce depuis plus de 80 ans. L’intégralité des marchandises exportées vers la France en 1910 est inscrite sur la liste des produits en franchise de droits.
En fait, l’assimilation douanière est surtout vue par les élus corses comme un levier pour obtenir de nouvelles recettes financières. L’exportation n’est qu’une justification de façade. Comme l’indiquent les procès-verbaux des échanges au sein du Conseil général en 1911, l’assimilation douanière doit permettre de récupérer au profit du département des taxes auxquelles la Corse échappait jusque-là. Il s’agit des droits de douane sur certaines importations ainsi que certains droits indirects. La lutte entre les élus corses et le gouvernement va être âpre entre 1910 et 1912. Les uns voulant que ces ressources soient attribuées au département, les autres s’y opposant. Finalement, la loi du 12 juillet 1912 modifie le régime douanier de la Corse et accorde une subvention annuelle au département. D’ailleurs, il convient de noter que la loi parle non pas de la fin du régime douanier mais juste de sa modification . Et un lien est fait avec une aide financière au département. Cette loi mentionne à son article 3 que « les produits naturels ou fabriqués, d'origine corse, expédiés dans la France continentale sous les conditions du cabotage, sont admis en franchise des droits ». On passe d’un système où les marchandises corses étaient assimilées à des marchandises étrangères mais exemptées de droit si elles étaient inscrites sur une liste et prouvaient leur lieu de production à un système où la franchise est de droit sous réserve d’une « origine corse ». Les notions de franchise et de preuve d’origine ne sont pas supprimées, elles sont même renforcées. Au fond, rien ne change vraiment. En revanche, les importations sont désormais « passibles des mêmes droits que dans la France continentale » sauf pour le café et les tabacs. La taxe de raffinage est introduite en Corse. Les propositions de taxations supplémentaires faites par Clemenceau en 1908 n’ont pas été retenues. De même, les spécificités fiscales survivantes découlant des arrêtés Miot de 1802 ou le statut départemental de 1811 ne sont pas remises en cause. En contrepartie, les taxes prélevées n’étant pas directement attribuées au département au grand dam des élus corses, la loi prévoit une dotation de 500 000 francs pour travaux d'intérêt public, versée pendant 50 ans au département. Le budget du département passe en 1913 à près de 3,7 millions de francs.
Les modifications provoquent dès 1912, une hausse des taxes sur les importations de près de 150 000 francs. En année pleine, il s’agit d’une hausse de près de 280 000 francs en 1913. Soit déjà près de la moitié de la subvention exceptionnelle. Les autres contributions indirectes introduites peuvent être estimées à environ 100 000 fr en rythme annuel. Au total, le gains net est faible (environ 120 000 fr. annuels). A nouveau, la hausse des impôts indirects est privilégiée alors que l’impôt sur les successions aurait pu être une option redistributive. Par la suite, dès la fin de la première guerre mondiale, l’inflation érode la subvention quinquagénaire. Réévaluée en 1919 puis en 1927 (à 2,5 millions fr.), la dotation sera supprimée en 1941 . La dotation de 50 ans n’a duré que 28 ans.
Comme indiqué précédemment, le statut douanier, bien que vidé de sa substance, perdure dans les textes, avec un titre spécifique et le maintien d'un territoire douanier à part.
L’assimilation douanière réelle ne se fera que sous la IVe République, lors de la recodification du Code des Douanes de 1948 qui supprime le titre sur le régime douanier de la Corse et précise que le territoire douanier national comprend désormais « les territoires et les eaux territoriales de la France continentale, de la Corse, des îles françaises voisines du littoral, et des départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion ». La preuve d'origine, qui n'était plus appliquée, disparaît définitivement.
Dans le budget 1897, le gouvernement propose de mettre fin aux taxes réduites sur les droits d’enregistrement et sur les importations. L’ensemble est évalué à 654 000 francs. Cela soulève une forte opposition dans l’île. Les élus départementaux et les députés se saisissent du sujet et plaident avec vigueur pour le maintien des droits réduits sur les successions. En août 1896, les conseillers généraux adoptent à l’unanimité le vœu suivant :
« Que le régime spécial d'impôts sous lequel la Corse se trouve placée et qui est justifié par sa pauvreté, sa misère croissante, son éloignement de la mère-patrie et la crise agricole et industrielle qu'elle traverse, ne subisse aucune atteinte;
Que les représentants et M. le Préfet de la Corse insistent auprès du Gouvernement pour que les arrêtés Miot soient maintenus dans leur intégralité ;
Que, subsidiairement, au cas où M. le Ministre des Finances ne pourrait faire à moins que d'accroître les charges déjà trop lourdes qui pèsent sur notre pays, il propose au Parlement de faire supporter cette augmentation d'impôts sur les alcools importés en Corse et non sur les droits d'enregistrement et de timbre, ou sur certaines denrées coloniales de première nécessité ».
Dans la défense des droits réduits sur les successions, très fortement soutenus par les notables principaux bénéficiaires de la mesure, un troc est proposé explicitement : succession contre contributions indirectes. La santé publique ou le soutien la filière viticole locale (les volumes importés restent pourtant faibles : 18 100 hectolitres de vins importés en 1895, dont 13 000 hectolitres de vins étrangers) sont mis en avant. En revanche, les débats ne font pas apparaître le coût que ce troc implique. Retirant son projet, le gouvernement saisit au bond l’occasion et fait adopter le 29 mars 1897 une taxe sur la consommation des alcools en Corse (article 6 de la loi du 30 mars 1897 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1897 et décret du 27 janvier 1898 portant règlement d'administration publique et fixant les conditions de perception du droit de consommation en Corse). Les contributions indirectes n’étant toujours pas perçue dans l’île, se sont les Douanes qui sont chargées de sa perception. Une fois passés une période de flambée pour les importations, visant à anticiper la mise en place du nouveau régime, la taxe sur les alcools rapporte autour de 500 000 francs. Cette première réduction des particularités fiscales produit presque le même montant que celui estimé en 1896 mais à travers un impôt indirect, non proportionnel et non progressif à la différence des droits de succession. Le consommateur paie à la place du propriétaire.
Un nouvel alignement fiscal arrive à l’orée de la Grande Guerre. En 1908, à la suite de l’un des plus célèbres rapports fait sur la situation économique de la Corse, le pouvoir central se penche plus spécifiquement sur la situation de l’île. Ce rapport est celui de Georges Clemenceau, alors Président du Conseil et ministre de l’intérieur. Il n’avait pas pour objet de justifier des mesures ou une action à entreprendre de la part du gouvernement mais à illustrer le problème corse. Au-delà d’un ton souvent condescendant, très désagréable pour un lecteur du XXIe siècle, il demandait la création d’une « commission extraparlementaire et interministérielle chargée d'étudier la situation actuelle de la Corse ». Cette commission devant apporter des réponses à la situation de « crise économique et financière » que Clemenceau dénonce.
Après une introduction sociologique et historique, le rapport note sur la partie économique de « la pauvreté du pays est extrême. Rien de comparable. Ni la Bretagne, ni les Hautes-Alpes, ni peut-être aucun pays d’Europe ne peuvent donner une idée du dénuement actuel de la Corse. Dans la plupart des villages, on ne connaît pas d'autre viande que le porc. Peu de légumes. Le pain et le fromage de chèvre constituent l'élément essentiel de la nourriture. Le Corse vit avec quelques sous par jour ». Il est ajouté que les échanges économiques sont « rares », que l’industrie est absente, même si, avec moins d’un millier d’ouvriers les grèves sont incessantes. L’impôt rentre mal et les finances publiques locales sont jugées exsangues. L’effort de l’Etat est important mais surtout concentré sur les mesures d’assistance mises en place à partir des années 1880 dans toute la France. Toutefois, malgré ce constat assez cataclysmique, le rapport Clémenceau ne propose que des pistes assez peu radicales en termes de mesures publiques : assainissement des plaines, amélioration des routes et du chemin de fer et surtaxe sur l’alcool pour remettre les finances locales à flot.
Ce rapport n’est pas très différent dans son analyse de celui de d’Adolphe Blanqui, présenté presque 70 ans plus tôt devant l’Institut royal de France (Adolphe Blanqui, « Rapport sur l'état économique et moral de la Corse en 1838 »). Ce célèbre économiste du XIXe siècle, inventeur probable de l’expression « révolution industrielle », posait notamment une question grave : « comment donc se fait-il que la Corse, si heureusement partagée sous le rapport du climat, du sol et des eaux, située au centre de la Méditerranée, à portée presque égale de la France, de l'Italie et de l'Espagne, ressemble aujourd'hui si peu aux pays qui l'entourent, et marche d'un pas si lent dans la carrière de la civilisation ? ». Suit un développement historique sur l’oppression des anciens maîtres et la générosité de la France, « qui a gouverné ce pays pour lui-même, pour le civiliser, non pour ne le pressurer ni le vendre, comme avaient fait ses anciens dominateurs ». Mais, le manque d’infrastructures, un territoire fragmenté, un intérieur « incompatible avec le progrès des richesses », l’insalubrité en plaine et une sécurité mal assurée par l’Etat plombent le dynamisme de l’île. Adolphe Blanqui note aussi un retard dans l’instruction publique, un désordre dans les titres de propriété ou sous-investissement dans l’agriculture et aussi l’industrie. Le manque de capital et la pauvreté de la masse des habitants empêchaient le développement de cultures, comme l’olivier qui nécessite un investissement initial important et un temps long avant maturité. Les points communs sont nombreux entre les deux rapports : constat d’un sous-développement chronique, de retard en termes de sécurité, de désorganisation politique, particularismes jugés rétrogrades voire dangereux. Selon G. Clemenceau, « des mœurs, des habitudes si différentes des nôtres ne peuvent coexister avec notre état social sans dommages pour la Corse et pour le pays entier ».
Certaines observations sont évidemment très contestables. Au sein de la population masculine à l’instruction, l’armée relève 3,6 % d’analphabètes et 11,6 % de jeunes sans instruction primaire développée, contre respectivement 3,0 % et 31,7 % pour l’ensemble de la France (annuaire statistique de 1911, données pour 1910). L’agriculture présente bien une situation de crise et des rendements sensiblement inférieurs aux autres départements mais elle produits encore en 1908 des céréales, du vin mais aussi des légumes et des viandes. Comme souligné précédemment, la situation économique est peu satisfaisante mais en rien catastrophique au début du XXe siècle. Les exportations agricoles sont solides jusqu’à la guerre de 1914-18, voire augmentent.
Plus largement, les statistiques disponibles montrent une reprise en cours à partir du milieu des années 1900. Les prix pratiqués pour les aliments sont dans la moyenne des prix de province, voire sensiblement inférieur pour les viandes. Les salaires pratiqués dans l’industrie et l’agriculture ne sont pas sensiblement en décalage par rapport à ces prix ou par rapport à d’autres départements périphériques. Rien ne justifie que les Corses ne consomment « pas d'autre viande que le porc » à cette époque. Les enquêtes agricoles contredisent d’ailleurs cette observation. Le tableau est volontairement noirci pour se conformer aux préjugés très négatifs du personnel politique et administratif parisien et ainsi justifier une action dans l’île. Les impôts rentrent bien, avec des progressions nettement supérieures à celles observées en moyenne et la fin d’exemption. Ramené au nombre d’habitant les recettes fiscales hors exemption perçues par l’Etat ne sont pas très différentes de celles perçues dans en Basses-Alpes, en Hautes-Alpes, en Ariège ou en Lozère. La position n’est certes pas très positive mais il n’y a pas de décalage si important avec d’autres départements ruraux à très faible industrie. A cause ou grâce à cette tonalité très politique, le rapport Clemenceau déclenche une action sur plusieurs fronts. Quasiment immédiatement, le budget du département de Corse est fortement augmenté, à 2,4 millions fr. en 1908 puis 2,7 millions fr. en 1910 par des aides directes de l’Etat (1904 : 1,3 M fr.).
Ensuite, conformément à la demande du rapport Clemenceau, une commission spécifique se met en place (Commission extraparlementaire et interministérielle présidée par M. Delannay et chargée d’étudier la situation actuelle de la Corse formée à la suite du rapport de 1908 de G. Clemenceau, Président du Conseil, Ministre de l’intérieur et dont les conclusions furent publiées en 1909). Un nouveau rapport est rendu public en 1909 et propose plusieurs pistes dans les domaines de l’agriculture, des transports, de la fiscalité (notamment une assimilation douanière) ou bien du statut des fonctionnaires (notamment, il est proposé à trois reprises la mise en place d’« avantages spéciaux pour les personnels envoyés en Corse »).
Il est difficile de dire dans quelle mesure les demandes de nature réglementaire – ne nécessitant pas de passer devant l’Assemblée nationale – ont été suivies par le gouvernement. En revanche, les éléments législatifs ont reçu peu d’écho de la part du gouvernement. Seule subsistera une réforme de la réglementation douanière appliquée depuis 1818 à la Corse. Absente dans le rapport Clemenceau, les critiques adressés au « statut douanier » dans le rapport Delannay sont fortes (« si l'industrie et le commerce sont restés en Corse à 1'état embryonnaire la cause en est principalement au régime douanier et tant que le même régime subsistera on est exposé à voir échouer toutes les tentatives qui pourraient être faites pour obtenir dans l'île des produits autres que les produits naturels ou même pour mettre en oeuvre certains de ces derniers »). Comme souligné précédemment, il est évident que le système de certificat d’origine n’est ni le plus simple, ni le plus rapide et encore moins un signal d’intégration économique. Toutefois, affirmer qu’« à part certaines exceptions, [les exportations de la Corse] sont atteints, à leur entrée dans les ports du continent de droits parfois plus élevés que ceux qui sont payés par les marchandises étrangères de la même espèce » est faux. Une franchise est accordée pour la quasi-totalité des productions locales expédiées de Corse vers le continent français, ce depuis plus de 80 ans. L’intégralité des marchandises exportées vers la France en 1910 est inscrite sur la liste des produits en franchise de droits.
En fait, l’assimilation douanière est surtout vue par les élus corses comme un levier pour obtenir de nouvelles recettes financières. L’exportation n’est qu’une justification de façade. Comme l’indiquent les procès-verbaux des échanges au sein du Conseil général en 1911, l’assimilation douanière doit permettre de récupérer au profit du département des taxes auxquelles la Corse échappait jusque-là. Il s’agit des droits de douane sur certaines importations ainsi que certains droits indirects. La lutte entre les élus corses et le gouvernement va être âpre entre 1910 et 1912. Les uns voulant que ces ressources soient attribuées au département, les autres s’y opposant. Finalement, la loi du 12 juillet 1912 modifie le régime douanier de la Corse et accorde une subvention annuelle au département. D’ailleurs, il convient de noter que la loi parle non pas de la fin du régime douanier mais juste de sa modification . Et un lien est fait avec une aide financière au département. Cette loi mentionne à son article 3 que « les produits naturels ou fabriqués, d'origine corse, expédiés dans la France continentale sous les conditions du cabotage, sont admis en franchise des droits ». On passe d’un système où les marchandises corses étaient assimilées à des marchandises étrangères mais exemptées de droit si elles étaient inscrites sur une liste et prouvaient leur lieu de production à un système où la franchise est de droit sous réserve d’une « origine corse ». Les notions de franchise et de preuve d’origine ne sont pas supprimées, elles sont même renforcées. Au fond, rien ne change vraiment. En revanche, les importations sont désormais « passibles des mêmes droits que dans la France continentale » sauf pour le café et les tabacs. La taxe de raffinage est introduite en Corse. Les propositions de taxations supplémentaires faites par Clemenceau en 1908 n’ont pas été retenues. De même, les spécificités fiscales survivantes découlant des arrêtés Miot de 1802 ou le statut départemental de 1811 ne sont pas remises en cause. En contrepartie, les taxes prélevées n’étant pas directement attribuées au département au grand dam des élus corses, la loi prévoit une dotation de 500 000 francs pour travaux d'intérêt public, versée pendant 50 ans au département. Le budget du département passe en 1913 à près de 3,7 millions de francs.
Les modifications provoquent dès 1912, une hausse des taxes sur les importations de près de 150 000 francs. En année pleine, il s’agit d’une hausse de près de 280 000 francs en 1913. Soit déjà près de la moitié de la subvention exceptionnelle. Les autres contributions indirectes introduites peuvent être estimées à environ 100 000 fr en rythme annuel. Au total, le gains net est faible (environ 120 000 fr. annuels). A nouveau, la hausse des impôts indirects est privilégiée alors que l’impôt sur les successions aurait pu être une option redistributive. Par la suite, dès la fin de la première guerre mondiale, l’inflation érode la subvention quinquagénaire. Réévaluée en 1919 puis en 1927 (à 2,5 millions fr.), la dotation sera supprimée en 1941 . La dotation de 50 ans n’a duré que 28 ans.
Comme indiqué précédemment, le statut douanier, bien que vidé de sa substance, perdure dans les textes, avec un titre spécifique et le maintien d'un territoire douanier à part.
L’assimilation douanière réelle ne se fera que sous la IVe République, lors de la recodification du Code des Douanes de 1948 qui supprime le titre sur le régime douanier de la Corse et précise que le territoire douanier national comprend désormais « les territoires et les eaux territoriales de la France continentale, de la Corse, des îles françaises voisines du littoral, et des départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion ». La preuve d'origine, qui n'était plus appliquée, disparaît définitivement.